SCAPINI GEORGES (1893-1976)
La vie de Georges Scapini, né à Paris, mort à Cannes, est représentative de l'itinéraire suivi par une partie de la « génération du feu » issue de la Première Guerre mondiale, que les options conservatrices et étroitement nationalistes des années 1920 conduisirent aux pires compromissions avec le fascisme.
Aveugle de guerre, mutilé de la face, avocat au barreau de Paris, Scapini fut élu député « indépendant » en 1928 et il fut réélu jusqu'à la fin de la IIIe République.
Son choix par Pétain, le 20 août 1940, comme ambassadeur de Vichy chargé des prisonniers de guerre ne relève pas seulement de sa qualité d'ancien combattant : reçu dans les années 1930 par Hitler, Scapini avait été l'un des fondateurs du comité France-Allemagne, qui prônait avant la Seconde Guerre mondiale la collaboration avec l'Allemagne nazie. Dans les débats qui précédèrent, le 10 juillet 1940, le sabordage de l'Assemblée nationale, il avait signé la motion Bergery, prônant l'établissement en France d'un ordre nouveau autoritaire, national et social, qui s'inspirait du national socialisme et se prononçait pour une politique de collaboration avec le IIIe Reich ; Georges Scapini opta également pour la mise en place d'un parti unique dans la France de Vichy.
Nanti de son titre d'ambassadeur, Scapini fut, dès la fin de septembre 1940, envoyé à Berlin par Pétain : il fit des ouvertures pour une politique de collaboration tout en traitant le problème des prisonniers. La France devenait, le 16 novembre, nation protectrice de ses prisonniers de guerre à la place des États-Unis, cependant neutres. Vichy allait ainsi, sous le prétexte d'exercer sa souveraineté sur tous ses ressortissants, au devant des désirs des Allemands, et les pressions politiques de l'occupant pouvaient se développer sous le couvert de négociations d'égal à égal, notamment à propos de l'éventuelle libération des prisonniers. Au demeurant, les arguments avancés par Scapini pour obtenir des libérations étaient fondés sur les intérêts économiques allemands, et il proposa dès 1940 le principe de l'échange des prisonniers contre des travailleurs libres, imaginant ainsi ce qui, en 1942, allait devenir la duperie de la relève.
Les Allemands, de fait, ne libérèrent les prisonniers qu'autant qu'ils le jugèrent utile pour eux, et la mission Scapini – dont les émissaires étaient surveillés par les Allemands –, s'efforçant de développer dans les stalags et les oflags l'idéologie de la révolution nationale et le mythe Pétain, voire une propagande favorable à la collaboration, n'empêcha ni les violations grossières de la convention de Genève (en particulier sur le travail dans les usines d'armement), ni l'aggravation des conditions d'existence des prisonniers (en dépit des envois de colis), ni les exactions nazies dans les camps de représailles (Rawa-Ruska, Kobjeczyn). Mission sans gloire, plaidoyer pro domo publié en 1960 par Scapini, masque mal ces aspects qui font de la mission confiée à cet insolite ambassadeur une entreprise mystificatrice, destinée pour l'essentiel à faire avaliser par des couleurs françaises les décisions allemandes.
Arrêté en 1945, mis en liberté provisoire en 1946, réfugié en Suisse, Scapini fut condamné en 1949 par la Haute Cour de justice, par contumace, à cinq ans de travaux forcés. En 1952, il accepta de se présenter devant le tribunal militaire du Cherche-Midi.
Celui-ci l'acquitta. Georges Scapini n'eut plus ensuite aucune activité politique.
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Écrit par
- Roger BOURDERON : maître assistant à l'université Paul-Valéry, Montpellier
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