THILL GEORGES (1897-1984)
Une vaillance princière
À l'apogée de sa carrière, Georges Thill est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1934. Il chante beaucoup, mais il le fait avec intelligence. Dans un répertoire aussi vaste que varié – plus de cinquante ouvrages, de Parsifal à La Belle Hélène –, il sait toujours refuser à la scène les rôles qui lui conviennent mal, comme Otello ou Tristan. Il chante beaucoup, mais parfois il chante trop. Le surmenage lui occasionne de fréquentes méformes passagères, parfois perceptibles au disque. Un accident d'automobile en 1934 le contraint à quelque repos forcé, mais la course folle reprend bien vite à travers les provinces et les colonies françaises. Il chante sous la baguette de Franz Lehár, obtient le grand prix du Disque en 1935 (pour le récitatif mesuré et l'air d'Énée Inutiles Regrets des Troyens à Carthage de Berlioz) puis en 1936 (pour le rôle de Julien, au côté de Ninon Vallin, dans une version abrégée par le compositeur de Louise de Gustave Charpentier). À la fin de 1936 et au début de 1937, il effectue une tournée en U.R.S.S. En 1939, il crée même une chanson au titre bien peu prémonitoire : Ils ne la gagneront pas...
Quand il prend une semi-retraite en faisant ses adieux à l'Opéra de Paris le 30 décembre 1940, il peut s'enorgueillir d'avoir participé à de nombreuses créations – Brocéliande d'André Bloch (1925), Naïla de Philippe Gaubert (1927), La Tour de feu de Sylvio Lazzari (1928), Vercingétorix de Joseph Canteloube (1933), Rolande et le mauvais garçon d'Henri Rabaud (1934) – et, chose plus rare, d'avoir tourné dans trois films : Chansons de Paris (Jacques de Baroncelli, 1934 ; musique de Maurice Yvain), Aux portes de Paris (Charles Barrois, 1934 ; musique de Maurice Yvain et Gaston Claret) et, surtout, Louise, film réalisé par Abel Gance en 1938 d’après l’œuvre de Gustave Charpentier, dans lequel il incarne Julien au côté de Grace Moore dans le rôle-titre. Il ne cesse pourtant pas de se produire en concert. Comme si les rappels l'empêchaient de se retirer définitivement, il multiplie les adieux à l'Opéra-Comique (1953), à la salle Pleyel (1954) et au théâtre du Châtelet (1955). En 1975, il se fixe à Lorgues, près de Draguignan, dans le Var. Il meurt à Draguignan le 15 octobre 1984.
Avec Georges Thill se réalise l'une des plus heureuses synthèses entre le bel canto italien et l'école française de déclamation lyrique. Il restitue, avec une articulation et un phrasé exemplaires, un legato d'une pureté oubliée. Son art est essentiellement celui de la nuance, de la demi-teinte, de l'élégance souveraine. Bien au-delà d'une voix lumineuse, au timbre rayonnant, il y a l'intelligence et la sensibilité d'un musicien d'exception. Un modèle absolu pour de nombreuses générations.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média