VAJDA GEORGES (1908-1981)
Orientaliste d'une remarquable érudition, historien de la théologie et de la philosophie juives médiévales, Georges Vajda a formé deux générations de professeurs, de chercheurs et de rabbins français et étrangers, en ciselant une œuvre dont la forme et l'esprit ont porté à sa maturité la science du judaïsme en France.
L'encyclopédisme de Georges Vajda, la connaissance qu'il avait de plusieurs langues, la curiosité qu'il manifesta pour des textes inédits et pour des horizons jusque-là négligés voire méprisés se déployèrent sous le signe de l'exigence et de la liberté. Dans sa personnalité, ses méthodes de travail, son enseignement, il n'était que vigueur, rigueur, voire raideur. Mais les domaines qu'il cultiva dans les littératures médiévales hébraïque et arabe correspondaient souvent à ses goûts et à son plaisir. Ce savant avait le souci d'enseigner et de préparer à la recherche, ainsi que la patience de supporter l'inexpérience de ses élèves. Sans négliger lui-même les études talmudiques, noyau dur de toute science juive possible, il donna droit de cité, en France, non seulement à la philosophie et à la pensée d'Israël en général, mais aussi à la connaissance de la Kabbale, qui, avant lui, était la proie de spéculations voisines parfois du charlatanisme et dont il montra les liens avec la philosophie, ainsi qu'à celle du karaïsme, qui jusqu'alors était semblablement négligé par la Wissenschaft des Judentums.
Georges Vajda se livrait rarement, et ses proches mêmes connaissent mal son enfance et son adolescence. Né à Budapest, il y étudia dans le prestigieux séminaire rabbinique, où il eut pour maître Bernard Heller, qu'il évoquait fréquemment. Venu très jeune en France, en 1928, il étudia les lettres classiques à la Sorbonne et le persan ainsi que le turc à l'École des langues orientales. Il commença, en 1936, à enseigner au séminaire israélite de France et, en 1937, à donner des conférences à l'École pratique des hautes études. En 1940, il créa les sections d'arabe et d'hébreu à l'Institut de recherche et d'histoire des textes du C.N.R.S. Pendant l'Occupation, il se replia à Chamalières (Puy-de-Dôme), puis au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), où il poursuivit ses travaux.
Après la Libération, il reprit son enseignement et, en 1954, fut élu directeur d'études à l'É.P.H.É. En 1970, il fut nommé professeur d'hébreu à l'université de la Sorbonne nouvelle (Paris-III). De son itinéraire spirituel, il serait imprudent de tenter de dire quelles ont pu être les étapes, car Georges Vajda pratiquait un détachement absolu par rapport aux auteurs dont il s'occupa successivement. Il s'attacha à des écrivains médiévaux rationalistes, en raison de leur parenté avec Averroès ou de l'obscurité qui les enveloppait, tels Isaac Albalag et Juda ben Nissim Ibn Malka. Par ailleurs, s'il considéra Saadya comme « un colosse aux pieds d'argile », sa dilection ne se démentit point pour Baya Ibn Joseph Ibn Paqūda. De toute manière, encore que fort méfiant à l'égard des modes du temps, il était à la fois curieux de l'univers mental médiéval et soucieux d'élucider exactement les méthodes, les thèmes et les lignes de force des maîtres livres du Moyen Âge juif : à la limite, Samuel Ibn Tibbon ou Joseph Ibn Abraham Ibn Waqār importaient pour lui autant que le Sefer ha Kuzari de Juda Hallevi ou le Guide des égarés de Maïmonide. Il s'intéressa à des auteurs totalement inconnus, tels Ezra de Gérone et Isaac Albalag, et donna un nouvel éclairage à d'autres écrivains plus réputés.
L'œuvre de Georges Vajda compte près de trois cents livres ou articles et des milliers de comptes rendus. Selon la formule de Valentin Nikiprowetzky, « il faut mentionner d'abord[...]
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Écrit par
- Gérard NAHON : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
- Charles TOUATI : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
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