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VEDEL GEORGES (1910-2002)

Maître incontesté du droit public français, Georges Vedel n'a jamais fondé d'école et compte pourtant bien des disciples tant son enseignement et ses travaux ont dépassé les frontières académiques. Né en 1910 à Auch (Gers), il fait ses études de droit à la faculté de Toulouse, dominée par la pensée du doyen Hauriou (1856-1926). Agrégé de droit public à vingt-six ans, il enseigne tour à tour dans les facultés de droit de Poitiers (1937), de Toulouse (1939), puis de Paris à partir de 1949. Ce grand professeur en deviendra le doyen de 1962 à 1967. Le titre lui restera comme un surnom, étudiants et enseignants prenant alors l'habitude de dire simplement « le doyen » pour parler de Georges Vedel. À l'Institut d'études politiques de Paris, du temps de sa splendeur, à partir des années 1950, il délivre en outre, comme c'est la tradition à l'époque, un cours d'introduction aux études politiques, lequel deviendra vite un classique. Toujours rue Saint-Guillaume, il inaugure même un enseignement consacré à l'Europe de l'Est, vue uniquement à l'époque au travers de prismes idéologiques. Ce libéral et européen convaincu – il est conseiller juridique de la délégation française dans les négociations sur le Marché commun et l'Euratom de 1956 à 1957 – vivait en avance sur son temps en réfléchissant aux bases de la construction d'une Europe politique fondée sur des principes démocratiques. Il donne également des cours à l'École des mines, à H.E.C., ainsi qu'à l'étranger où il fut docteur honoris causa de nombreuses universités. Le doyen Vedel fascinait ses étudiants par sa clarté d'exposé, par la profondeur de son analyse mais aussi par son humour. Ce grand enseignant, jurisconsulte influent en France et à l'étranger, auteur d'articles de presse nombreux et percutants, se considérait avant tout comme un universitaire. À ce titre, il est l'auteur de manuels qui deviendront des classiques, dont son célèbre Manuel élémentaire de droit constitutionnel publié en 1949. Il y expose le droit constitutionnel non plus de façon purement descriptive mais en montrant toutes les relations qui existent entre cette branche du droit et la science politique. Par ses écrits comme par son enseignement, Georges Vedel est, avec Maurice Duverger, un passeur de frontières et n'aura de cesse de resituer le droit dans son contexte non seulement social et politique mais aussi international. Il faut savoir que le droit constitutionnel s'était beaucoup éloigné entre les deux guerres de la tradition des grands publicistes comme Raymond Carré de Malberg (1861-1935), Léon Duguit (1859-1928), Adhémar Esmein (1848-1913) ou Maurice Hauriou qui, de façon différente, n'envisageaient pas qu'on puisse étudier le droit sans autre perspective que l'analyse compassée des textes. Il est vrai que les effets de la spécialisation du droit en branches séparées et parfois rivales n'avaient pas encore conduit à leur époque au cloisonnement des disciplines juridiques et politiques. Georges Vedel a ainsi tenté de rouvrir portes et fenêtres et plaidé avec vigueur pour l'unité du droit : il n'y a qu'un seul et même ordre juridique dont « les branches ne peuvent être indépendantes » même si elles peuvent être « autonomes ou particularistes ». Si Georges Vedel apparaît aujourd'hui comme un « constitutionnaliste » sans pareil, il ne faut pas oublier qu'il a d'abord nourri le droit administratif de sa réflexion. En France, ce n'est que sous l'effet du développement du rôle du Conseil constitutionnel à partir des années 1970 que le droit constitutionnel a semblé dominer tous les autres. Auparavant, c'était le droit administratif qui régnait en maître. Qu'il s'agisse des bases intellectuelles de ce droit, y compris[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit public, directeur du Centre d'études constitutionnelles et politiques de l'université de Paris-II

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