O'KEEFFE GEORGIA (1887-1986)
Georgia O’Keeffe, l’un des peintres les plus importantes de la modernité nord-américaine, traverse l’histoire de l’art du xxe siècle, entre abstraction et figuration. Si elle est un mythe aux États-Unis depuis les années 1960-1970, elle est longtemps demeurée une artiste méconnue en France et dans une moindre mesure dans le reste de l'Europe. Rares sont les rétrospectives et les ouvrages à lui avoir été consacrés par les institutions et les chercheurs du Vieux Continent. Cette méconnaissance a plusieurs causes. En dépit d’un mouvement de réévaluation de la place des femmes dans l’histoire de l’art, qui mobilise la discipline depuis les années 2010, le retard demeure important, y compris pour des artistes majeures. De plus, O’Keeffe ne s’inscrit pas dans l’opposition radicale entre abstraction et figuration, qui structure la pensée artistique européenne, des années 1920 jusqu’aux dernières décennies du siècle. Enfin, l’idée, erronée, qui voudrait que la première génération d’artistes modernes aux États-Unis soit celle de l’expressionnisme abstrait défendu par Clement Greenberg, de Mark Rothko à Jackson Pollock en passant par Willem De Kooning, reste dominante. Elle relègue aux oubliettes la précédente, celle de Georgia O’Keeffe et des peintres du cercle d’Alfred Stieglitz.
Les années de formation
Georgia O’Keeffe naît le 15 novembre 1887 à Sun Prairie (Wisconsin) dans une famille de fermiers d’origine irlandaise et hongroise. Très tôt, elle formule le désir de devenir artiste, une ambition singulière pour une fillette issue du monde rural américain de la fin du xixe siècle. Dès le lycée, elle est sensibilisée aux Arts & Crafts. Ce courant, né en Angleterre dans les années 1860 et qui connaît alors un vif succès aux États-Unis, réhabilite l’artisanat, propose une vision globale de la création et favorise la production d’objets et de mobilier respectueuse des ouvriers.
Sur les conseils d’une de ses professeures, O’Keeffe entre à la School of the Art Institute of Chicago et entame son apprentissage artistique, souvent interrompu en raison de problèmes financiers et d’une santé fragile. Elle fréquente ensuite l’Art Students League de New York, plus libérale. En 1914, alors qu'elle est déjà elle-même enseignante, elle parfait sa formation auprès d’Arthur Wesley Dow (1857-1922). Pédagogue charismatique et sensible, lui aussi, à l’esprit réformateur des Arts & Crafts, il professe non pas l’imitation académique de la nature mais l’art d’une composition harmonieuse, inspirée de l’estampe japonaise, qui traduit les émotions de son auteur. Dans ce cours, O’Keeffe se lie d’amitié avec Anita Politzer (1894-1975), très engagée dans le mouvement des suffragettes, avec qui elle échange lectures féministes et artistiques. Toutes deux fréquentent la galerie 291, épicentre de la scène new-yorkaise. Fondée par Alfred Stieglitz (1864-1946), pionnier de la photographie artistique, elle accueille sur ses cimaises les derniers développements de l’art parisien (Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse), de l’art africain ancien, de nombreux photographes, et bientôt une jeune génération de peintres nord-américains (Charles Demuth, Arthur Dove, Marsden Hartley et John Marin). O’Keeffe s’abonne aux revues éditées par Stieglitz, Camera Work et 291, lit Du Spirituel dans l’art de Wassily Kandinsky (1912) et certains écrits d’Henri Bergson.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
Classification
Autres références
-
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Les arts plastiques
- Écrit par François BRUNET , Éric de CHASSEY , Encyclopædia Universalis et Erik VERHAGEN
- 13 464 mots
- 22 médias
...aux États-Unis de Cézanne, Matisse, Picasso ou Brancusi, mais aussi de jeunes artistes américains tels que Max Weber, Arthur Dove, Marsden Hartley ou Georgia O'Keeffe. Ces peintres, principaux représentants du « cercle de Stieglitz », tirent les leçons du modernisme européen en l'adaptant à des... -
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - L'architecture
- Écrit par Claude MASSU
- 12 026 mots
- 9 médias
...les toits plats portés par des poutres en bois dont les extrémités forment des saillies apparentes : telles sont quelques-unes des caractéristiques de cette architecture dont le « primitivisme » a trouvé des échos au xxe siècle, par exemple dans la peinture de Georgia O'Keeffe. Cette artiste,... -
STIEGLITZ ALFRED (1864-1946)
- Écrit par Hervé LE GOFF
- 1 472 mots
...l'acier d'une roue de voiture de luxe, atteindra en 1935 la modernité portée en Europe par les courants de la Nouvelle Vision. La relation amoureuse avec Georgia O'Keeffe, qu'il épouse en 1924, inspirera de nombreux portraits dans lesquels Stieglitz se montre particulièrement novateur. Les deux artistes...