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O'KEEFFE GEORGIA (1887-1986)

Avec Alfred Stieglitz

Au cours de l’automne 1915, alors qu’elle enseigne en Caroline du Sud, elle réalise une série de fusains dans laquelle elle cherche à s’affranchir de l’influence de ses professeurs : pour la première fois, elle manifeste ses sensations dans des formes organiques et abstraites (coulures, jaillissements, lignes biomorphiques), comme dans No. 2-Special et No. 5 Special (1915, Washington, National Gallery of Art). Elle envoie ces dessins à Politzer, restée à New York, qui, sans prévenir son amie, les montre à Stieglitz. L’art de O’Keeffe est pour lui une révélation. Le photographe entame une correspondance intense avec la jeune femme et rapidement lui propose de financer une année de peinture. Elle arrive à New York en 1917 : c’est le début d’une relation intellectuelle, artistique et amoureuse – ils se marient en 1924 –, qui durera jusqu’à la mort de Stieglitz, en 1946.

Stieglitz est un soutien influent. À ses yeux, O’Keeffe, figure absolue de l’altérité, est un cas unique de génie féminin. Il organise chaque année ou presque une exposition de ses derniers travaux, qu’il promeut avec une efficacité admirable auprès des critiques, du public et des institutions. De sorte que O’Keeffe acquiert notoriété et indépendance financière dès les années 1920. Elle se rapproche des autres peintres défendus par Stieglitz – Demuth, Dove, Hartley, Marin –, qui, avec des moyens différents, définissent une conduite esthétique ancrée dans le sol américain, libérée de toute influence européenne.

L’œuvre de Georgia O’Keeffe va connaître des développements considérables. Elle travaille l’aquarelle et la peinture à l’huile, exaltant un sens aigu de la couleur, et poursuit simultanément deux voies. L’une, abstraite, est composée de formes organiques ou linéaires et dépouillées (Music, Pink and Blue No. 2, 1918, New York, Whitney Museum of American Art) ; l’autre, figurative, est essentiellement inspirée de la nature (fleurs, coquillages, fruits, paysages, arbres, etc.). Deux approches qu’elle conservera tout au long de sa vie sans jamais les opposer. Au contact d’un jeune photographe, Paul Strand (1890-1976), elle introduit le gros plan, qui dévoile le motif tout autant qu’il l’altère. Il s’agit là d’une approche nouvelle du sujet pictural (Red Canna, 1925-1928, Tucson, The University of Arizona Museum of Art). Elle l’emploie notamment pour les peintures de fleurs, qui font son succès. Sous l’influence de la psychanalyse et des textes de Sigmund Freud, les critiques proches de Stieglitz perçoivent dans l’œuvre de O’Keeffe une image de la sexualité féminine, voire une représentation de son sexe, ce qu’elle a toujours réfuté. Par provocation, animée aussi de la volonté de déjouer une lecture stéréotypée, elle peint à partir de 1925 une série de gratte-ciel new-yorkais, un motif jugé typiquement masculin par Stieglitz et ses amis journalistes ou artistes.

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Écrit par

  • : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure

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