O'KEEFFE GEORGIA (1887-1986)
La découverte du Nouveau-Mexique
En 1929, soucieuse de préserver son travail de la vie new-yorkaise et de ses mondanités, O’Keeffe entreprend, en compagnie de la peintre Rebecca Salsbury James (1891-1968), un voyage aux nombreuses conséquences. À l’invitation de Mabel Dodge Luhan (1879-1962), mécène et défenseuse inlassable du Nouveau-Mexique et des populations indiennes, elles séjournent quatre mois à Taos. Depuis quelques années, le désert néo-mexicain exerce une fascination puissante sur un certain nombre d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels (D.H. Lawrence, C. G. Jung, Marsden Hartley, etc.). Le choc esthétique causé par ses paysages arides et grandioses, et la recherche d’une terre authentique nourrissent un primitivisme fervent auquel se rallie O’Keeffe. Ce séjour bouleverse l’artiste. Désormais, elle se rendra au Nouveau-Mexique tous les ans ou presque, avant de s’y installer définitivement, en 1949, après la mort de Stieglitz. Elle arpente la région, souvent seule, à pied ou en automobile, en quête de paysages à peindre. Ce bouleversement favorise l’introduction de nouveaux motifs : les crânes d’animaux blanchis au soleil (Cow’sSkull: Red, White, and Blue, 1931, New York, The Metropolitan Museum of Art), le désert et avec lui le thème du vide, l’architecture vernaculaire, et enfin des agencements visuels associant le désert, les os et les fleurs, qui synthétisent son « désir » – le mot est de Stieglitz – pour la région (Pelvis withthe Distance, 1943, Indianapolis Museum of Art). Ces motifs sont pour la plupart traversés par la dialectique du proche et du lointain, déjà en germe dans ses gros plans de fleur ou de coquillage, qu’elle explorera jusqu’aux années 1970. Si elle renferme une réflexion proprement moderne autour des questions d’échelle, cette dialectique comporte aussi une dimension intime, la nécessité d’une mise à distance – que ce soit à l'égard de l’être aimé, de New York ou du monde. Aussi, après son installation au Nouveau-Mexique, O'Keeffe déplace cette problématique et peint de nombreuses vues aériennes (routes, rivières, îles) inspirées de ses fréquents voyages à l’étranger. À partir de la fin des années 1940, elle réalise des compositions de grand format, très épurées bien que toujours inspirées du monde visible (le patio de sa maison d’Abiquiu, un tapis de nuages, l’horizon), comme dans My Last Door (1952-1954, Santa Fe, Georgia O’Keeffe Museum). Ces œuvres ambitieuses font écho aux développements récents et minimalistes de l’art américain, chez Kenneth Noland (1924-2010), Mark Rothko (1903-1970) ou Ellsworth Kelly (1923-2015), par exemple.
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
Classification
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