EDELMAN GERALD MAURICE (1929-2014)
Edelman et la neurobiologie
Après les anticorps, Edelman s’intéresse aux interactions entre cellules, domaine neuf en 1970, et particulièrement aux molécules qui permettent aux cellules de se reconnaître entre elles et de se diriger vers leur cible finale dans l’organisme. On entrevoit à cette époque leur rôle dans le fonctionnement du système immunitaire et au cours du développement embryonnaire. L’organisme se construit apparemment à partir d’un ensemble complexe d’interactions moléculaires échangées entre cellules de types différents, et le système nerveux n’y échappe pas. Les molécules d’adhésion dans le système nerveux qu’Edelman identifie ( elles appartiennent à la famille dite N-CAM) ont une forte parenté de structure avec les anticorps. Pour Edelman, la logique qui construit le système nerveux doit être voisine de celle qui permet la construction du système immunitaire car elle est fondée sur des interactions sélectionnées entre molécules et cellules, ce qu’Edelman appelle la « topobiologie ». Les deux théories que conçoit Edelman concernant la construction du système nerveux et à propos de la conscience, sont ainsi marquées par l’importance accordée aux mécanismes moléculaires et cellulaires de reconnaissance.
Edelman développe en 1988 une théorie du développement du système nerveux central fondé sur la sélection des interactions entre cellules nerveuses, théorie que l’on va appeler « darwinisme neuronal ». La structure globale du cerveau est certes déterminée par la génétique mais chaque neurone peut lancer au hasard un grand nombre de prolongements vers les autres cellules nerveuses, proches ou lointaines. Au cours du développement du cerveau et au cours de la vie individuelle, les interactions fonctionnelles ou des cartes de cellules en interactions sont sélectionnées. Ainsi le câblage fonctionnel du cerveau est-il le produit d’une sélection de type darwinien dans laquelle l’expérience joue le rôle de pression de sélection. Edelman postule enfin une interaction permanente entre les diverses cartes neuronales, permettant le traitement en parallèle des signaux nerveux ainsi que la plasticité cérébrale.
La dernière théorie proposée par Edelman en 1990, qu’il a développée ensuite, est celle d’une conscience purement biologique comme produit de la sélection naturelle de l’ensemble des réseaux de neurones d’un sujet. Les différences individuelles liées aux expériences sont ensuite elles-mêmes sujettes à sélection et donc permettent théoriquement du moins une forme d’évolution de l’espèce. Ainsi, pour Edelman, la conscience n’implique ni dualisme, ni traitement informationnel comme celui d’un calculateur. L’itinéraire de Gerald Edelman est d’une certaine manière voisin de celui du neurobiologiste Jean-Pierre Changeux qui, issu de la biochimie – il est un des découvreurs des changements de conformation des protéines, l’allostérie, « le second secret de la vie », comme disait Jacques Monod –, s’est orienté dès après sa thèse vers la neurobiologie avec le couple « changement de conformation-reconnaissance moléculaire », comme données clés sur lesquelles reposent ses hypothèses sur le fonctionnement cérébral et la conscience.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Média
Autres références
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PORTER RODNEY ROBERT (1917-1985)
- Écrit par Samya OTHMAN
- 176 mots
Biochimiste britannique né en 1917 à Newton-le-Willows (Lancashire), mort en 1985 à Winchester. Diplômé de l'université de Liverpool (1939) et de Cambridge (1948), il rejoint l'Institut national de la recherche médicale (1949-1960) avant d'être nommé professeur d'immunologie...