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DEPARDIEU GÉRARD (1948- )

Gérard Depardieu est un « phénomène » du cinéma français. Il met la même énergie à animer ses personnages et à passer d'un film à son exact opposé. Si l'ancienne génération d'acteurs tels que Pierre Blanchar, Charles Vanel, Charles Boyer, Pierre Fresnay ou Gérard Philipe était issue de la tradition théâtrale, pour laquelle la parole importait plus que le corps, la pose ou le geste appliqué et calculé sur l'énergie libérée, la « nouvelle vague » fut marquée par l'école américaine de l'Actor Studio, avec Marlon Brando, James Dean, Montgomery Clift... Un jeu fondé sur l'introspection et la décontraction, l'extériorisation physique des contradictions qui se jouent au fond de la conscience et de l'inconscient. Par son jeu d'abord physique, Gérard Depardieu se distingue totalement des deux écoles. C'est d'abord un corps imposant, musclé, parfois massif, toujours agile, et doté de la plus extrême sensibilité. Il incarne parfaitement un mot galvaudé pour qualifier un acteur : la « présence ». Que ce soit dans le rôle d'un voyou ou d'un flic, ou attablé, au cours de longs plans-séquences immobiles avec Marguerite Duras dont il déploie avec toutes les nuances possibles le texte éminemment littéraire...

« Je suis d'abord un acteur de théâtre »

Né à Châteauroux (Indre) le 27 décembre 1948, Gérard Depardieu appartient à une très modeste famille de six enfants. Sa jeunesse est tumultueuse. Il fréquente la base militaire américaine voisine et les GI, fasciné par la musique d'Elvis Presley, Eddie Cochran ou Dean Martin, l'alcool et les trafics divers. Il y côtoie des voyous de quelques années plus âgés que lui, frise la délinquance. Rien n'indique chez lui une quelconque aptitude pour le cinéma, encore moins pour le théâtre, même s'il apprécie le cinéma populaire et est émerveillé par une représentation du Dom Juan de Molière. Il quitte l'école à treize ans, s'adonne un peu à la boxe, bégaye et s'exprime par onomatopées, incapable de finir une phrase...

À seize ans, sur un coup de tête, il monte à Paris rejoindre un ami qui cherche à devenir acteur. Il aborde un nouvel univers en suivant les cours de Jean-Laurent Cochet. Ce dernier le pousse à faire soigner ses problèmes d'élocution par un thérapeute spécialiste des troubles du langage, le docteur Tomatis. Le jeune Gérard est bientôt fasciné par les mots, la langue. Il interprète le rôle d’un beatnik dans un court-métrage de Roger Leenhardt, Le Beatnik et le minet (1967), et rencontre la troupe du Café de la Gare.

Après quelques rôles dans des « dramatiques » à la télévision, il débute au théâtre en 1968 dans la pièce de René Fauchois, Boudu sauvé des eaux, mise en scène par Jean-Laurent Cochet. Le théâtre restera longtemps son activité préférée : « Je suis d'abord un acteur de théâtre parce que c'est là qu'on a la sensation de pouvoir commencer quelque chose et de pouvoir le terminer dans la même soirée. » Au cours des années 1970, il travaille aussi bien dans le théâtre de boulevard, comme Une fille dans ma soupe, de Terence Frisdy, mis en scène par Pierre Mondy, que dans des pièces plus ambitieuses et plus littéraires sous la direction de Claude Régy (Saved, d'Edward Bond, 1973 ; Home, de David Storey, adaptation de Marguerite Duras, 1973 ; Isma, de Nathalie Sarraute, 1972 ; La Chevauchée sur le lac de Constance et Les gens déraisonnables sont en voie de disparition, de Peter Handke, 1973 et 1978...) En 1984, il portera à l'écran Tartuffe, de Molière, qu'il avait joué l'année précédente sous la direction de Jacques Lassalle.

Parallèlement, Gérard Depardieu devient un second rôle très demandé du cinéma français – voyou, truand ou homme de main –, sous la direction de cinéastes aussi divers[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Média

<it>Cyrano de Bergerac</it>, de J.-P. Rappeneau, 1990 - crédits : Benoît Barbier/ Camera One/ Hachette Première/ UGC/ Album/ AKG-images

Cyrano de Bergerac, de J.-P. Rappeneau, 1990

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