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DEPARDIEU GÉRARD (1948- )

Penser avec son corps

Chaque fois renouvelés, ses rôles dessinent un personnage marqué par la puissance corporelle de l'acteur et par une énergie qui le pousse aux extrêmes, mais aussi par la faiblesse et l'angoisse. Claude Régy définit fort bien l'homme inséparable de l'acteur : « Avec Depardieu, ce qui est complètement donné, c'est qu'il y a là un être vivant. [...] C'est quelqu'un qui ne pense pas, c'est quelqu'un qui fait. Non pas qu'il ne soit pas intelligent, il l'est remarquablement, il l'est avec son corps et réunir à ce point ce qu'on croit être du corps et ce qu'on croit être de l'esprit dans une seule action en mouvement, dans une seule existence instantanée, cela représente des siècles de méditation. »

Souvent solitaire, comme dans les films de Marco Ferreri (La Dernière Femme, 1976 ; Rêve de singe, 1978) ou enfermé dans un contexte social précis (Mon Oncle d'Amérique, Alain Resnais, 1980), dont il tente de faire éclater les limites par des accès de violence, Gérard Depardieu peut aussi faire montre d'un refus du monde qui l'entraîne dans une attitude paranoïaque autodestructrice, comme les héros tragiques de Dites-lui que je l'aime (Claude Miller, 1977) ou La Femme d'à côté (François Truffaut, 1981). Cette fêlure interne se manifeste à travers des héros qui conduisent une double vie (Maîtresse, Barbet Schroeder, 1976), ou bien qui possèdent une fausse identité (Le Retour de Martin Guerre, Daniel Vigne, 1982), quand ils ne sont pas carrément dédoublés (Barocco, André Téchiné, 1976 ; Hélas pour moi, Jean-Luc Godard, 1993).

Outre Marguerite Duras (Nathalie Granger, 1972 ; La Femme du Gange, 1974 ; Baxter, Véra Baxter, 1977 ; Le Camion, 1977) et Bertrand Blier, (Préparez vos mouchoirs, 1978 ; Buffet froid, 1979 ; Tenue de soirée, 1986 ; Trop belle pour toi, 1989 ; Merci la vie, 1991 ; Les Acteurs, 2000 et Combien tu m'aimes ? 2005), la grande rencontre cinématographique de Gérard Depardieu a lieu avec Maurice Pialat. « Entre toi et moi, écrit-il au cinéaste dans une de ses Lettres volées, c'est à la vie, à la mort. Nous sommes comme deux chefs de bande obligés de partager le même terrain vague. [...] Tu es un taureau, un vrai taureau de combat. Quand on se rencontre, on entend parfois le bruit des cornes... » Loubard plus sensible qu'agressivement viril dans Loulou (1980), policier macho, mais faible et émouvant dans Police (1985), père maladroit et désemparé dans Le Garçu (1995), Depardieu est surtout un surprenant abbé Donissan, entre doute et foi, épuisement et martyre, dans Sous le soleil de Satan (1987) d'après Georges Bernanos. Citons encore Claude Régy : « Depardieu réunit de manière complètement éblouissante la fragilité et la force. Il se souvient qu'il y a de la mort dans la vie et il connaît aussi la vie de la mort. »

<it>Cyrano de Bergerac</it>, de J.-P. Rappeneau, 1990 - crédits : Benoît Barbier/ Camera One/ Hachette Première/ UGC/ Album/ AKG-images

Cyrano de Bergerac, de J.-P. Rappeneau, 1990

Maurice Pialat, peu prolixe en compliments, a défini sa place dans le cinéma français et peut-être mondial : « S'il n'était pas aussi exceptionnel, il ne pourrait pas tout jouer. Mais il est exceptionnel. » Depardieu est en effet capable d'interpréter tout autant Obélix (à cinq reprises dans la série Astérix et Obélix, 1999-2018), Cyrano de Bergerac, dans un film réalisé par Jean-Paul Rappeneau, pour lequel il obtient en 1990 un prix à Cannes et un césar du meilleur acteur, que l’Edmond Dantès du Comte de Monte-Cristo, Jean Valjean ou Balzac dans des téléfilms de prestige. Il est également un émouvant chanteur de bal quinquagénaire dans Quand j'étais chanteur (2005), de Xavier Giannoli, un improbable clochard dans le remake de Boudu par Gérard Jugnot (2006), un directeur de cabaret dans La Môme, d'Olivier Dahan (2007), un chef fatigué de la brigade de répression du grand banditisme dans 36 quai des Orfèvres (2004),[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Média

<it>Cyrano de Bergerac</it>, de J.-P. Rappeneau, 1990 - crédits : Benoît Barbier/ Camera One/ Hachette Première/ UGC/ Album/ AKG-images

Cyrano de Bergerac, de J.-P. Rappeneau, 1990

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