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LYON-CAEN GÉRARD (1919-2004)

Gérard Lyon-Caen fut l'un des plus prestigieux spécialistes français du droit du travail. Après avoir soutenu en 1945 une thèse de doctorat sur les spoliations, il est agrégé de droit privé en 1947. Professeur à la faculté de Saïgon, puis à celle de Dijon (1950), enfin à la faculté de droit de Paris (1963), il avait opté en 1969 pour l'université de Paris-I- Panthéon-Sorbonne, où il devait enseigner et assumer des responsabilités jusqu'à sa retraite, en 1988.

Son œuvre compte des écrits de jeunesse touchant au droit civil, au droit commercial, à la propriété intellectuelle, et des travaux relevant de la philosophie du droit (sur certaines thèses de Marx notamment). Mais c'est au droit du travail et de la protection sociale qu'il a consacré l'essentiel de ses analyses, réflexions et efforts de systématisation. Ses interventions et ses écrits portent l'empreinte d'une forte personnalité, dotée d'une aptitude frappante à identifier avant quiconque les questions nouvelles. L'effort d'objectivité dans l'analyse, la mobilité de la pensée et l'ouverture à la discussion sont d'un juriste non conformiste, sensible à l'inscription historique du droit, jusqu'au bout critique de l'injustice de notre société et solidaire sans complaisance du mouvement syndical.

Ce profil intellectuel tenait d'abord à un attachement aux valeurs de la démocratie, tôt exprimé en actes. Petit-fils d'un des fondateurs de la discipline du droit commercial, fils d'un haut magistrat président de la chambre civile de la Cour de cassation révoqué par Vichy, Gérard Lyon-Caen avait, dès 1940, rejoint Londres puis Alger. Le jeune homme, peu attiré par l'armée, y devint soldat pour quatre années de guerre, dans les troupes coloniales avant de rejoindre la division Leclerc. Une guerre qui allait le laisser seul survivant d'une fratrie décimée par la déportation et les combats de la Résistance. Une guerre dont les origines et les suites devaient peser dans son adhésion au Parti communiste, au moment où il entreprenait une carrière universitaire, après un temps de service au secrétariat général du Gouvernement provisoire de la République. Mais cet engagement pour un avenir plus juste et démocratique, débarrassé d'un colonialisme auquel son expérience des années 1940 avait rendu Gérard Lyon-Caen particulièrement hostile, allait être rompu après l'écrasement de l'insurrection hongroise de 1956.

Le constant souci de Gérard Lyon-Caen a été de comprendre le droit et les questions juridiques dans leur contexte économique et politique, de les mettre en relation avec les conflits d'intérêts traversant la société. Une démarche particulièrement nette dans ses premiers écrits, influencés par l'analyse marxiste, comme cet article sur « Les Fondements historiques et rationnels du droit du travail » publié en 1951 dans Le Droit ouvrier (revue de la C.G.T.) puis son Manuel de droit du travail et de la sécurité sociale de 1955. Ces études, en leur temps iconoclastes, développent la thèse de l'ambivalence du droit du travail, corps de règles qui, pour certaines, facilitent et légitiment l'exploitation du travail par le capital et, pour d'autres, la tempèrent en protégeant les salariés. Elles critiquent une « doctrine de l'entreprise » alors en vogue et négatrice de l'antagonisme des classes. D'ailleurs, Gérard Lyon-Caen devait plus tard se joindre au mouvement « Critique du droit », qui réunit à partir des années 1970 un certain nombre de juristes influencés par le marxisme, et livrer dans l'ouvrage collectif Le Droit capitaliste du travail (1980) le diagnostic d'une crise de cette branche du droit.

Pour les juristes et autres spécialistes des relations sociales, Gérard Lyon-Caen restera surtout le co-auteur,[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit à l'Institut d'études du travail de Lyon (université de Lyon-II-Lumière)

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