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MORTIER GÉRARD (1943-2014)

Gérard Mortier - crédits : Achim Scheidemann/ DPA Picture-Alliance/ AFP

Gérard Mortier

Derrière ses lunettes sérieuses et ses costumes sages, le Flamand Gérard Mortier dissimule avec subtilité le plus grand directeur d'opéra de la fin du xxe siècle et du début du xxie siècle.

Cet élève des jésuites de Gand, où il naît le 25 novembre 1943, renonce vite à son rêve d'enfant, devenir chef d'orchestre, pour faire des études de droit et de communication. Il ne tarde pas à rejoindre le monde de la culture en faisant ses premières armes comme assistant au festival des Flandres. Son intelligence critique aiguë attire l'attention du chef d'orchestre Christoph von Dohnányi, qui lui confie des tâches d'administration aux Opéras de Francfort et de Hambourg, puis de Rolf Liebermann, qui en fait un de ses seconds à l'Opéra de Paris (1979). Dohnányi et Liebermann sont les deux principaux maîtres de cet administratif qui, pour ne rien ignorer des impératifs matériels liés à la gestion d'un théâtre, n'en est pas moins un homme d'idées et d'audace, en qui mûrit un projet artistique appelé à modifier en profondeur notre approche de l'opéra.

Il peut appliquer ce projet en 1981, lorsqu'il est nommé directeur du Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, maison autrefois prestigieuse mais qui végétait depuis vingt ans : il en fait en peu d'années un grand opéra européen, un phare pour l'innovation et l'intelligence. Mû par une foi quasi religieuse dans les valeurs spirituelles de l'art, il estime que „le premier devoir d'un directeur d'opéra devrait être la réflexion sur la société dans laquelle il vit“.

Le style propre qu'il crée à Bruxelles en dix ans repose sur quelques options fondamentales dont il ne déviera plus. Postulat essentiel : l'opéra, c'est d'abord du théâtre. Foin de divertissement mondain, finie la dictature des grandes voix et des stars : il mise sur un travail d'équipe où chef d'orchestre, metteur en scène et chanteurs prennent le temps de répéter et œuvrent dans une osmose absolue des intentions. Cette politique se traduit par une réflexion poussée sur la cohérence intellectuelle d'une saison. Pour mener ce combat, Mortier s'appuie sur le chef d'orchestre Sylvain Cambreling, partenaire de la première heure, et les metteurs en scène les plus inventifs, et les plus capables de jeter sur les chefs-d'œuvre du répertoire une lumière à même d'éclairer notre époque : Karl-Ernst Herrmann pour Don Giovanni ou La Clémence de Titus, Patrice Chéreau pour Lucio Silla, Luc Bondy pour Così fan Tutte ou un Couronnement de Poppée de Monteverdi orchestré par le compositeur belge Philippe Boesmans, à qui Mortier commande aussi l'opéra La Passion de Gilles, Peter Mussbach pour Wozzeck, Herbert Wernicke pour une Tétralogie décapante, le cinéaste André Delvaux pour Pelléas et Mélisande.

En 1985, tout à son projet de nouvel opéra, Paris fait appel à Mortier, qui refuse catégoriquement de s'y engager : „Le projet de la Bastille est une aberration. Pour le cinquième du budget, on pouvait améliorer le palais Garnier.“ Il acceptera en revanche de faire office de conseiller pour l'Opéra Flamand (Anvers-Gand) en pleine déconfiture : en quelques mois, il remet cette maison sur les rails.

Le 1er octobre 1991, Gérard Mortier prend la direction du festival de Salzbourg, son nouveau défi : en nommant un moderniste affiché à la tête du plus prestigieux mais du plus traditionnel des festivals, marqué par trente ans de présidence de Karajan, les Autrichiens s'enhardissent. Comme lors de son arrivée à la Monnaie, il commence par irriter : les inconditionnels de l'époque Karajan menacent de ne pas renouveler leur abonnement si l'on joue des œuvres contemporaines, si les mises en scène sont modernes et si l'on ne peut plus entendre les trois ténors ![...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Lille-III-Charles-de-Gaulle, critique musical

Classification

Média

Gérard Mortier - crédits : Achim Scheidemann/ DPA Picture-Alliance/ AFP

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    En nommant un moderniste affiché à la tête du plus traditionnel des festivals, les Autrichiens s'enhardissent : le Belge Gérard Mortier, qui prend ses fonctions le 1er octobre 1991, s'est fait connaître en faisant du Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, qui végétait depuis vingt...