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PHILIPE GÉRARD (1922-1959)

Dix-sept ans de carrière. Trente rôles au cinéma, dix-neuf au théâtre. Une vie bannissant le scandale. Un métier exercé avec rigueur. La volonté d'être à la fois un homme et un comédien et de ne jamais céder à la facilité. Pour digne de respect que soit une telle éthique, elle ne suffit pas à expliquer l'audience que connut Gérard Philipe de son vivant, et qu'il connaît encore. Son physique et sa voix passaient la rampe, crèvent l'écran. Le nom de Gérard Philipe évoque la jeunesse, la séduction, la fougue, mais est surtout indissociable de celui de certains personnages : Caligula, Rodrigue, le Prince de Hombourg ou Fabrice del Dongo, pour ne citer qu'eux. Là, sans doute, est la clef de ce que certains appellent le « mythe Gérard Philipe » : comédien et personnage se donnant mutuellement une existence qui échappe à la durée concrète de la vie.

Né le 4 décembre 1922 à Cannes, Gérard Philipe aurait normalement dû, après son baccalauréat, faire son droit. Mais le hasard lui permit d'être remarqué de professionnels du spectacle et de concrétiser ainsi ses rêves d'adolescent. En 1943, il vient à Paris et entre au Conservatoire d'art dramatique, choisissant d'apprendre son métier plutôt que de se contenter d'exploiter simplement ses dons. Il ne passe pas le concours de sortie, pris déjà par une carrière professionnelle dense. En 1951, il épouse Anne dont il a deux enfants. Plus que jamais, il veille farouchement à protéger sa vie privée.

N'appartenant à aucun parti politique, il joint son nom à ceux qui luttent contre la guerre et les injustices sociales. Comédien, il œuvre syndicalement. En 1957, il est élu président du Syndicat des comédiens dont il permet la réunification, fondant ainsi l'actuel Syndicat français des acteurs. « Le théâtre est un problème social comme toutes les questions artistiques », déclare-t-il peu avant de mourir, le 25 novembre 1959.

Gérard Philipe fit parallèlement carrière au cinéma et au théâtre. Il s'adaptait spontanément aux techniques différentes des deux arts, sans faillir à sa ligne de conduite : le travail et la vie du personnage. Il abordait ses rôles avec une curiosité totale et voulait rejoindre le personnage, non pour s'identifier à lui, mais pour faire chair et sensibilité communes avec lui. Pour cela, il le travaillait de l'intérieur, partant certes du sentiment, mais sans jamais le détacher de la situation, ni de l'œuvre. Son jeu était engagement total du corps et de l'âme. Quel que fût le registre dans lequel il s'exprimait, dans l'exubérance débordante ou l'économie linéaire, il s'imposait par sa présence, son inspiration, sa flamme, et par un sens particulier de la vibration du verbe.

Voulant vivre son métier dans son intégralité, il réalisa des mises en scène (n'hésitant pas à louer un théâtre à ses propres frais si besoin était) : en 1947, Les Épiphanies, et, en 1952, Nucléa d'Henri Pichette. Il adapta et réalisa au cinéma Till l'Espiègle en 1956 et avait en projet un Hamlet en 1959.

S'il avait commencé sa carrière en 1942 avec une pièce d'André Roussin, il avait abordé rapidement les personnages qui allaient lui permettre de se déterminer : l'Ange de Sodome et Gomorrhe de Jean Giraudoux en 1943, et Caligula dans la pièce d'Albert Camus en 1945. Cependant, l'étape majeure de sa carrière est sa rencontre avec Jean Vilar, qui lui propose, en 1948, de jouer le Cid. Gérard Philipe refuse d'abord, ne s'estimant pas tragédien, mais accepte finalement, deux ans plus tard ; en 1951, au cinquième festival d'Avignon, il est le Cid. Dès lors, il choisit de travailler avec le T.N.P., au sein d'une troupe, avec tout ce que cela implique, renonçant à certains films (après en particulier L'Idiot en 1946,[...]

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Médias

<it>Les Grandes Manœuvres</it>, R. Clair - crédits : Cinétel, Filmsonor, Rizzoli Film, SECA/ Cinédis/ Diltz/ Bridgeman images

Les Grandes Manœuvres, R. Clair

<em>Ruy Blas</em> de V. Hugo, mise en scène de Jean Vilar - crédits : Abraham Pisarek/ ullstein bild/ Getty Images

Ruy Blas de V. Hugo, mise en scène de Jean Vilar

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