ALBRECHT GERD (1935-2014)
Ardent défenseur de causes perdues et de partitions délaissées, le chef d’orchestre allemand Gerd Albrecht a mené une patiente carrière, à l’écart des sentiers battus, sans rien concéder de ses exigences musicales.
Fils du musicologue Hans Albrecht, Gerd Albrecht naît à Essen le 19 juillet 1935. Il étudie à Kiel puis à Hambourg. À vingt-deux ans, il remporte le premier prix du concours international des jeunes chefs d’orchestre de Besançon – dans la catégorie « non professionnel » aujourd’hui disparue – puis, l’année suivante, celui du concours d’Hilversum (1958). Commence dès cette époque un parcours « à l’ancienne » qui l’amènera à se produire sur les principales scènes lyriques de culture germanique. Gerd Albrecht sera successivement chef assistant à l’Opéra de Stuttgart (1958-1961), puis premier chef aux Opéras de Mayence (1961-1963), de Lübeck (1963-1966) et de Kassel (1966-1972). Directeur musical de la Deutsche Oper de Berlin (1972-1976), il prend ensuite les rênes de l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich (1975-1980). En 1988, il est nommé directeur général de la musique à l’Opéra de Hambourg, fonction qu’il assume jusqu’en 1997. Premier chef étranger à prendre la tête de la Philharmonie tchèque, au début de la saison 1993-1994, il se voit contraint à la démission, en 1996, en raison des relations houleuses avec ses musiciens. Il est alors invité par les grands festivals européens : Salzbourg, Munich, Édimbourg, Lucerne et Vienne. Il occupe ensuite les fonctions de chef principal du Yomiuri Nippon Symphony Orchestra de Tōkyō (1997-2007), puis de directeur musical de l’Orchestre symphonique de la Radio danoise (2000-2004). Il se passionne pour la transmission de la musique savante aux enfants et aux adolescents. Grâce à la Fondation pour les jeunesses musicales de Hambourg, dont il assure lui-même le financement, il publie à leur intention plusieurs ouvrages et une cinquantaine de téléfilms.
Personnalité discrète mais essentielle, Gerd Albrecht préfère au confort et aux facilités du grand répertoire les obscurs combats en faveur de compositeurs oubliés ou dépréciés : les Allemands Louis Spohr, Max Reger et Manfred Gurlitt, les Autrichiens Franz Schmidt, Egon Wellesz, Erich Wolfgang Korngold et Ernst Krenek, les Tchèques Zdeněk Fibich, Erwin Schulhoff et Pavel Haas, l'Italien Ferruccio Busoni ou encore le Suisse Othmar Schoeck. Oubliant les rapports tendus qu’il entretient avec la République tchèque, il est également un des plus fidèles avocats des opéras peu visités d’Antonin Dvořák (Le Roi et le charbonnier, Vanda, Dimitri, Le Jacobin, Le Diable et Catherine,Armide) ou de Leoš Janáček (Le Destin). Dans ces domaines peu explorés, de grandes voix n’ont pas craint de le suivre : les sopranos Helga Dernesch, Helen Donath, Julia Varady et Françoise Pollet, la mezzo Agnès Baltsa, les ténors José Carreras et Plácido Domingo, le baryton Dietrich Fischer-Dieskau ou encore la basse Kurt Moll. De très nombreux compositeurs contemporains lui doivent par ailleurs la création de leurs œuvres. La liste est impressionnante : les Autrichiens Alexander von Zemlinsky et Viktor Ullmann, les Allemands Boris Blacher, Wolfgang Fortner, Hans Werner Henze, Helmut Lachenmann, Aribert Reimann, Manfred Trojahn et Wolfgang Rihm, le Tchèque Josef Bohuslav Foerster, le Hongrois György Ligeti, les Russes Sofia Goubaïdoulina et Alfred Schnittke, le Britannique Harrison Birtwistle, les Suisses Rolf Liebermann et Klaus Huber ainsi que le Japonais Maki Ishii. Cette énumération témoigne à l’évidence de l’audace des choix et de la diversité des goûts du chef allemand. Moins vedette qu’inébranlable militant de la musique de son temps, Gerd Albrecht meurt à Berlin le 2 février 2014.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média