GERHARD RICHTER, PANORAMA (exposition)
Une œuvre plurielle
Ce prétendu rejet du contenu est également présent dans les différentes compositions de 1966 : marines, nuages, Nu dans un escalier (un portait de sa femme Ema). Autant de motifs censés démontrer l'ancrage de l'artiste dans une multiplicité de traditions qui, de la Renaissance italienne au romantisme allemand en passant par Marcel Duchamp, reflètent son besoin de se mesurer ou aux figures du passé. Révélateur du système richtérien, cet ensemble de peintures aussi « sublimes » que séduisantes est contrebalancé par une installation non picturale faite de 4 Panneaux de verre (1967 ; un clin d'œil au Grand Verre de Duchamp) d'un minimalisme exacerbé. Froideur minimaliste que l'on retrouve dans les Nuanciers peints par l'artiste à partir de 1966 puis dans les Détails. Peintures systématiques et abstraites dont la réalisation est en partie déléguée, ces œuvres jouent tantôt la carte du degré zéro du médium pictural (Nuanciers), tantôt celle d'un expressionnisme en trompe-l'œil (Détails). Elles dévoilent l'ambition affichée par le peintre de mettre en place un système capable d'explorer et d'exploiter toutes les rhétoriques et protocoles en matière picturale en cherchant, d'une part, à transgresser tous les interdits et, d'autre part, à suspendre les éventuelles pistes interprétatives qu'on serait tenté de greffer sur une production de plus en plus éclatée.
À partir des années 1970, l'œuvre se décline principalement par le biais de compositions abstraites de plus en plus spontanées, beaucoup moins inspirées pour les dernières, et perméables aux lois du hasard, jalonnées cependant par des peintures qui interrogent à nouveau la notion de réalisme. Parmi celles-ci figurent notamment le cycle consacré au groupe Baader-Meinhof (18 octobre 1977, peint en 1988), des natures mortes, vanités et paysages ainsi que des portraits de membres de sa propre famille. Le caractère intimiste de ces portraits n'est pas sans poser problème compte tenu du rejet de toute forme de contenu et d'empathie revendiqué par le peintre dans nombre de ses prises de positions des années 1960, contredites par la suite. En raison de ces contradictions, mais aussi des doutes et voltefaces qui irriguent sa production, Gerhard Richter a bâti l'une des plus fascinantes entreprises picturales de son époque.
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Écrit par
- Erik VERHAGEN : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Valenciennes, critique d'art, commissaire d'expositions
Classification
Média