HAUPTMANN GERHART (1862-1946)
L'œuvre de l' Allemand Gerhart Hauptmann est marquée par l'incapacité de son auteur à maîtriser une pensée claire, logique et rectiligne ; Thomas Mann caricaturera cette incapacité dans son roman La Montagne Magique(Der Zauberberg) sous les traits de Mynheer Peeperkorn. La vie de Hauptmann comme son œuvre se déroulent à deux niveaux interférant sans cesse : d'une part la réalité du monde quotidien, de l'autre le monde du rêve, qui, pour l'écrivain, représente le seul moyen de supporter le tragique de la vie, et qui occupe une place toujours croissante dans son œuvre.
« Les Tisserands » et la période naturaliste
Hauptmann naquit à Ober-Salzbrunn, petite ville de Silésie. Son grand-père était tisserand, ses parents dirigeaient un hôtel. Son enfance est marquée par l'atmosphère piétiste qui régnait dans sa famille. Il fait des études de sculpture et de dessin, se marie une première fois en 1885, divorce en 1904 et se remarie la même année ; le thème du mariage et celui de l'homme tiraillé entre deux femmes reviennent fréquemment dans son œuvre – par exemple dans Le Garde-Barrière Thiel (Bahnwärter Thiel), ou encore dans Rose Bernd. Pendant la période du national-socialisme, il demeurera en Allemagne où il devait mourir, à Agnetendorf.
La carrière d'écrivain de Hauptmann commence à une époque où la littérature allemande se détourne du réalisme du xixe siècle pour tenter une approche « objective » de la réalité. La période naturaliste de Hauptmann durera – et ce n'est pas un hasard – jusque vers 1904, date de son second mariage.
Ses deux premiers drames, Avant le lever du soleil (Vor Sonnenaufgang, 1889) et Les Tisserands (Die Weber, 1893) mettent en scène la masse des travailleurs réduits à l'esclavage et à la famine, opposés à une classe de riches parvenus. Les Tisserands furent interdits lors de leur parution ; pourtant, comme l'écrit Fontane, « la pièce est un double avertissement dirigé à la fois vers le haut et vers le bas, et qui s'adresse à la conscience des deux partis ». Bien qu'ayant une tragédie sociale pour sujet, Les Tisserands ne sont pas un drame révolutionnaire ni même socialiste comme on l'a cru à l'époque, car Hauptmann y prêche la résignation. Cette pièce qui manque sans doute un peu d'originalité est pourtant le premier « drame de masse » de la littérature allemande : certes il y subsiste bien des héros, mais pas dans le sens traditionnel du terme. En effet, lorsque l'un des personnages se détache de la foule, il se contente de parler au nom de celle-ci et non pour lui-même. Cependant, il garde une certaine individualité, et, dans cette mesure, la manière dont Hauptmann manie les foules est très différente de ce que fera l'expressionnisme un peu plus tard.
Si l'écrivain est influencé par le naturalisme, on rencontre déjà à cette époque certains thèmes qu'il développera par la suite de façon plus personnelle, ainsi le problème de l'hérédité, que l'on retrouve si fréquemment chez Zola. Les personnages de la période naturaliste de Hauptmann sont eux aussi chargés d'hérédité : ils vivent dans un milieu malsain intellectuellement et physiquement, le plus souvent parmi des idiots ou des ivrognes. Marqués par leur ascendance, la vie en commun finit par les rendre tous semblables les uns aux autres, même s'ils ne parviennent pas à communiquer (« Il n'y a rien de plus terrible pour ceux qui se connaissent que de rester des étrangers l'un pour l'autre », écrira Hauptmann). Pourtant chez Hauptmann l'homme n'est pas entièrement déterminé par son hérédité comme chez Zola ; il lui reste au moins la volonté, et on trouve toujours au fond de chaque individu une couche trop profonde pour être ainsi déterminée.
Si peu de traits rencontrés[...]
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Écrit par
- Michel-François DEMET : maître de conférences agrégé à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
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