Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NOUVEAU GERMAIN (1851-1920)

Une œuvre encore à découvrir

Découverte par les surréalistes, son œuvre nous parvient aujourd'hui seulement. À l'exception d'une seule plaquette, Ave maris stella, Nouveau s'opposa le plus souvent à toute publication. Il fut d'une absolue indifférence à toute ambition littéraire, tout souci de « carrière » étant exclu. Si sa vie peut apparaître à la fois comme un naufrage et une recherche, son œuvre ne nous donne que ce qu'il a trouvé. L'art ne fut pas pour lui une fin en soi. Chez lui, nulle révolte. Sa poésie est toute d'effusion, d'allégresse, de louange, comme en témoignent ses titres : la Doctrine de l'amour, Amour de l'amour, Savoir aimer. Nouveau ne vise pas à atteindre un autre monde. « Il voit le nôtre comme purifié, décanté » (J. Brenner). Sa liberté intérieure, son ascétisme volontaire le lui donnent dans toute sa splendeur, sa nouveauté inépuisable, « sous l'azur rajeuni de l'ancien firmament ». D'où les rythmes simples, de tradition populaire, la mélodie exquise de ses chansons : « Mon ange tutélaire / Tout tourne dans les cieux / Tout tourne sur la terre / Tout tourne sous mes yeux »... Comme chez Rimbaud, l'unité, l'énergie de l'univers sont saisies, mais non par effraction :

« Tout fait l'amour. » Et moi, j'ajoute, Lorsque tu dis : « Tout fait l'amour » : Même le pas avec la route, La baguette avec le tambour.

Même le doigt avec la bague, Même la rime et la raison, Même le vent avec la vague, Le regard avec l'horizon.

Même le fil avec la toile, Même la terre avec le ver, Le bâtiment avec l'étoile, Et le soleil avec la mer.

(Le Baiser, III)

Il ira jusqu'à ajouter : « Même les tours des citadelles / Avec la grêle des boulets. » Il semble qu'à travers le langage dont il use apparaissent, en transparence, comme chez Claudel, les choses elles-mêmes. Ainsi du repos du Manouvrier : « ... Il ouvre la lucarne : les toits de Paris, une mer ; les cheminées, des mâts ; les églises, les cloches, les oiseaux, l'horizon de vapeur ; le ciel est bleu comme une blouse neuve ; [...] Il s'est endormi dans l'herbe ; l'eau le berce ; les étoiles le veillent. » À « la musique d'or des cieux faite avec leur silence » fera écho, sept ans plus tard, la brève phrase de Rimbaud de retour d'une expédition au Harrar : « Paix et silence sur terre et sous les cieux » (lettre du 29 mars 1888). Le vers de Nouveau, pour mélodique qu'il soit, se resserre parfois en un raccourci saisissant, telle cette vision de Pourrières : « Soleil dur ! Mort de l'ombre ! Et Silence des Eaux. » Ce poète chrétien a une foi confiante, d'autrefois. Il chante les cathédrales, les moissons, les vertus, les choses humbles, concrètes, les métiers, la fraternité. Sa perception du temps atteint parfois à une remarquable acuité : « La mesure du temps tinte aux cloisons des tempes » (expression proche de celle de Breton : « Les aigrettes de vent aux tempes »). Le temps semble avoir été ressenti pour lui comme « ... le fleuve avide / Des ans profonds que Dieu dévide », « Comme de grandes eaux dont on entend le bruit » ; la mort, comme une porte (Le Baiser) : « Ce qu'a lié l'Amour même / Le temps ne peut le délier [...] Et la voile du Christ à l'immense envergure / Mène au port de l'Éternité. » Le monde est harmonie : « Et qu'importe au ciel sa nuée / Qu'importe au miroir sa buée / Si Dieu splendide aime à s'y voir ! L'âme en est-elle atténuée ? » Il ouvre enfin sur une exigence de liberté et de renouveau :

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles ! Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux ! Amour dans les couvents : anges, battez des ailes ! Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Autres références

  • RIMBAUD ARTHUR (1854-1891)

    • Écrit par
    • 5 063 mots
    • 1 média
    ...l'éditeur où on la retrouvera en 1901. En octobre 1873, la vie littéraire de Rimbaud est apparemment finie. Pourtant, rencontrant à Paris un jeune poète, Germain Nouveau, il convainc celui-là de le suivre. Un séjour en Angleterre n'apportera rien aux deux compagnons ; Nouveau part au bout de deux mois. On...