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GERMAINE DE STAËL, DEUX CENTS ANS APRÈS

L’année 2017 commémore le bicentenaire de la mort de Germaine de Staël. Le dynamisme de la recherche est soutenu par la Société des études staëliennes, fondée en 1929 et présidée depuis 2015 par Stéphanie Genand, et par sa revue scientifique, les Cahiers staëliens. Le numéro commémoratif du bicentenaire, « 1817-2017, générations Staël » (no 67, 2017), offre un état des lieux complet de la recherche et une bibliographie recensant l’ensemble des textes et travaux publiés depuis 2006. Fait notable, Madame de Staël a fait son entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade avec le volume Œuvres rassemblant De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales, Delphine et Corinne ou l’Italie (éd. C. Seth, 2017).

Vie et œuvres mêlées

Après d’importantes études autour de la problématique biographique et des écritures de l’intime chez Germaine de Staël, Stéphanie Genand publie l’essai La Chambre noire. Germaine de Staël et la pensée du négatif (2017). Elle revient sur le « mythe de l’outrance » longtemps associé à l’écrivaine – trop bruyante, trop passionnée, trop célèbre – pour découvrir, en deçà du trop, le manque, les failles, sous la forme de troubles liés à la parole et à l’identité. Les écrits de Madame de Staël, en saisissant les traces de ce langage souterrain, en se confrontant à la part « sauvage » en tout individu, poussent l’exploration jusqu’aux limites de la raison et dévoilent, comme dans une chambre noire, le « négatif » de la conscience, autrement dit, les « prémisses de l’inconscient ».

Cette lecture profondément renouvelée de l’œuvre trouve sa place parmi les dynamiques nouvelles qu’ont introduites dans la recherche littéraire la psychanalyse, les études féminines et la sociologie. Dans La Lettre et la mère. Roman familial et écriture de la passion chez Suzanne Necker et Germaine de Staël (2013), Catherine Dubeau apporte un éclairage inédit en faisant des relations mère-fille le moteur passionnel de l’écriture chez les deux femmes. Elle permet ainsi une réévaluation de l’importance de Suzanne Necker, comme auteur d’abord, mais aussi dans la vie et les écrits de sa fille, trop souvent réduite à être « fille de Necker ». Les lectures féminines, inaugurées par l’américaine Madelyn Gutwirth (Madamede Staël, Novelist. The Emergence of the Artist as Woman, 1978), continuent d’éclairer l’œuvre : ainsi du Cahier staëlien « Madame de Staël et les études féminines. Autour de Madame Necker » (no 57, 2006) et des travaux de Geneviève Fraisse.

La diversification des approches interprétatives conduit à embrasser un corpus plus large et à s’intéresser aux « générations » staëliennes dans leur filiation, réelle ou symbolique. Cette ouverture est favorisée en amont par la publication de correspondances (Auguste de Staël, Correspondance. Lettres à sa mère(1805-1816), éd. O. d’Haussonville et L. Omacini, 2013) et d’écrits des proches de Germaine de Staël, tels ceux de son second mari (Albert Jean Michel Rocca, Œuvres, éd. S. Genand, 2017). Elle aboutit en aval à des lectures croisées, à l’instar du Cahier staëlien consacré au grand ami de Staël, « August-Wilhelm Schlegel (1767-1845) : les années Staël » (no 66, 2016). Mais l’élargissement de la perspective concerne l’œuvre au premier chef, dont on redécouvre les pièces de théâtre et les théories de la traduction. Avec la publication des deux ultimes volumes de la Correspondance générale (éd. S. Genand et J.-D. Candaux, 2017), les dernières années de l’écrivaine (1812-1817) sont mises en lumière : en témoignent la publication de l’ouvrage collectif Germaine de Staël, retour d’exil (dir. L. Burnand, S. Genand, D. Jakubec et D. Sidjanski, 2015) et la réinterprétation de la relation Staël-Napoléon que propose S. Genand (« Les vertus[...]

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Écrit par

  • : professeure agrégée de lettres modernes, enseignante ATER à l'université Paul-Valéry-Montpellier-III

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