GRÈS GERMAINE CZEREFKOV dite (1910-1993)
Jeune fille, Germaine Krebs a une vocation de sculpteur, mais s'oriente vers la couture et, surtout, conçoit des « toiles » (des prototypes de robes) pour les commissionnaires qui exportent des modèles en Europe et, plus encore, aux États-Unis. Elle travaille en particulier pour la maison Premet, puis ouvre un atelier de couture sous le nom d'Alix Barton (elle est associée alors avec la couturière Julie Barton), dans un petit appartement, et exécute toutes ses toiles elle-même. Ses premières tenues remarquées sont des vêtements de sport et des manteaux d'une grande simplicité. Transportant sa maison de couture au 83, rue Saint-Honoré, au début de 1934, elle est désormais connue sous son seul prénom d'emprunt, Alix. D'un caractère ardent, concentré, elle a la réputation de dédaigner les mondanités et d'être indifférente à ce que font les autres couturiers.
Dès 1934, elle lance la mode hawaiienne pour la plage ; mais elle consacre principalement ses efforts à maîtriser la science du drapé, réalisant des exercices de style dont la perfection est célèbre. Son art dans la répartition des drapés, libres ou retenus, en fin jersey de soie, spécialement tissé pour elle, lui permet de créer des robes du soir inspirées de l'Antiquité. Un observateur a dit justement qu'on trouve dans les robes conçues par elle « le respect de la féminité, la stricte architecture des lignes, la difficile économie de moyens, la dignité des attitudes et, paradoxalement, l'instinct du désir ». Alix propose des robes et des manteaux inspirés d'un certain exotisme, comme le manteau-burnous, ou les fourreaux étroitement fuselés, empruntés à l'Égypte ancienne, mais elle participe également au courant lyrique qui, à la fin des années 1930, met à la mode les robes du soir aux jupes évasées en corolle.
Au début de la guerre, elle ouvre un nouveau salon de couture, rue de la Paix (1941). Faisant une anagramme du prénom de son mari, le peintre russe Serge Czerefkov, elle baptise sa maison « Grès » ; sa première collection, présentée pendant l'occupation allemande, lui vaut de graves difficultés : elle y montre des robes bleues, blanches et rouges, et ensuite une robe qui réunit les trois couleurs du drapeau français. Les Allemands ordonnent la fermeture du salon de couture. Après sa réouverture, Mme Grès reconquiert une place de tout premier plan dans le monde fluctuant de la mode.
Grès exploite admirablement la souplesse des tissus de maille, ou le « tombé » des tissus lourds, et considère qu'il faut « laisser vivre » l'étoffe, que ce soit pour exécuter une robe de ville ou pour draper une toilette du soir. Ses collections, d'une perfection égale, comportent des modèles soigneusement coupés, bannissant tout détail inutile, et s'achèvent toujours par quelques robes de jersey au drapé asymétrique.
Germaine Grès a souvent travaillé pour le théâtre et le cinéma, créant en particulier les costumes de La guerre de Troie n'aura pas lieu, d'Amphitryon 38 (Giroudaux), d'Antigone (Anouilh).
Au cours des années 1980, l'activité de la maison devient le symbole de la pérennité de la haute couture, et attire un homme d'affaires célèbre par ses multiples entreprises, Bernard Tapie qui la rachète en 1984. Mme Grès, doyenne de la profession, est, depuis 1972, présidente d'honneur de la Chambre syndicale de la couture parisienne ; soucieuse de qualité, elle refuse rapidement d'apposer sa griffe sur des accessoires ou sur des collections de prêt-à-porter (1980-1982) dont elle n'aurait pas contrôlé la fabrication point par point, et voue toute son énergie au culte de la haute couture. En 1960, Grès a créé un parfum à succès, Cabochard, puis Cabotine au début des années 1972, mais elle cède cette activité pourtant rentable en 1982. En 1987 a lieu à Paris la[...]
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Écrit par
- Guillaume GARNIER : conservateur du musée de la Mode et du Costume, palais Galliera
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