MONTERO GERMAINE (1909-2000)
De souche alsacienne, Germaine Heygel naît le 22 octobre 1909 faubourg Montmartre à Paris et vit ses premières années dans un pavillon à Montrouge. À dix-neuf ou vingt ans, elle se rend en Espagne où elle devient auditrice à l'université de Valladolid. Elle habite ensuite Madrid, partage la vie culturelle espagnole et fréquente les poètes, notamment, Federico García Lorca, qui devient son ami. Le coup d'État franquiste précipite son retour en France où elle devient vite une ambassadrice de la culture d'une Espagne martyre. C'est alors qu'elle prend le nom de Germaine Montero.
L'Exposition universelle de Paris en 1937 se déroule en contrepoint du drame espagnol. Présentée à Jean Cassou, Germaine Montero lui doit de jouer dans Font aux cabres de Lope de Vega dont il était le traducteur (1938), puis dans Noces de sang de García Lorca, et Divines Paroles de Valle Inclán. Par la suite, elle interprète des œuvres de Claudel, Montherlant, Cocteau et surtout Anouilh, dont Le Bal des voleurs lui vaut un vif succès.
Curieuse d'émotions nouvelles, Germaine Montero va délaisser le théâtre. Introduite chez Agnès Capri, où se retrouvaient les personnalités les plus surprenantes du théâtre et des lettres, elle présente son répertoire espagnol, bientôt complété par des chansons françaises sélectionnées avec soin. En même temps, Jean Cassou la fait connaître à la Radiodiffusion française. Quand la guerre éclate, elle accompagne la radio au cours de l'exode de 1940, à Bordeaux d'abord, puis à Montpellier et à Marseille. Ainsi s'est forgée, au fil des événements et des rencontres, la double carrière de Germaine Montero, à la fois chanteuse et comédienne. Dès cette époque, on remarqua sa prodigieuse puissance d'émotion et la netteté percutante de sa diction.
L'image indélébile que l'on a gardée est celle de Mère Courage qu'elle interpréta au T.N.P. à la demande de Jean Vilar, qu'elle connut dès le premier festival d'Avignon en 1947, jouant dans Richard II de Shakespeare et La Terrasse de midi de Maurice Clavel. Aussi bien dans le verbe que dans la silhouette, le souvenir de Germaine Montero reste attaché à l'héroïne de Brecht, forte en gueule et pipe entre les dents, qu'elle incarna de 1951 jusqu'en 1960. Après avoir été à cette même époque l'interprète de García Lorca au théâtre du Vieux Colombier et au théâtre Récamier dans Noces de sang et La Maison de Bernarda, elle quitte définitivement la scène en 1966 pour se consacrer à la radio et à la chanson.
Le disque a conservé le visage sonore de cette Montero, amie des poètes et qui sut choisir ses musiciens. Dès la fin de la guerre, elle accomplit un véritable retour aux sources, alimenté par le souvenir brûlant du drame espagnol et les années d'occupation en zone libre. Le 27 juin 1945, au théâtre de l'Athénée, elle jumelle son ancien répertoire espagnol où figuraient les chansons de la guerre d'Espagne et celui de la jeune chanson illustrée par les nouveautés de Jacques Prévert et Joseph Kosma. En 1951, elle fait la connaissance de Pierre Mac Orlan dont, la première, elle interprète une chanson, La Fille de Londres, mise en musique par Victor Marceau, qui restera identifiée à sa voix et à sa diction impeccable. Ce sera ensuite La Chanson de Margaret, entendue dans le film de René Clément Monsieur Ripois (1954). Mac Orlan ne jurait que par elle, véritable engouement à l'origine de tout un répertoire où se trouvent mêlés, outre Marceau, Kosma et Georges van Parys, Philippe Gérard (Le Pont du nord, Jean de la Providence de Dieu) et Christiane Verger (La Chanson de Bagatelle).
De manière exemplaire, Germaine Montero a interprété des chansons françaises littéraires sans cesser d'être populaires, se retrempant aux sources du répertoire classique avec Bruant, Béranger[...]
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Écrit par
- Guy ERISMANN : écrivain et musicologue, secrétaire général adjoint de l'Académie Charles-Cros
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