GERMAINE RICHIER (exposition)
Riche et sobre, cette rétrospective réunit, du 1er mars au 12 juin 2023, toutes les œuvres emblématiques de Germaine Richier, figure majeure de la sculpture moderne des années 1950. Le Musée national d’art moderne (Centre Georges-Pompidou) n’avait pas consacré d’exposition à cette sculptrice depuis 1956, trois ans avant sa mort. Bien qu’elle soit une figure internationalement célébrée, notamment en Angleterre (à la Barbican Art Gallery en 1982, à la Tate en 1993, à la Tate Modern en 2000 qui plaçait L’Échiquier, grand en ouverture de la salle consacrée à l’art européen), Germaine Richier demeure parfois occultée par l’œuvre d’Alberto Giacometti. Placée sous le commissariat d’Ariane Coulondre et organisée en collaboration avec le musée Fabre de Montpellier, cette grande rétrospective, la première en France depuis l’exposition à la Fondation Maeght en 1996, était donc très attendue et a valeur de réhabilitation.
Puissance et pudeur
La force et la singularité de Germaine Richier, Prométhée au féminin, éclatent aux yeux des visiteurs. Par son épure, la scénographie place l’œuvre au cœur du propos. L’avantage ? L’exposition ne simplifie ni ne caricature une œuvre complexe. L’écueil ? Elle ne donne guère de clés d’interprétation au néophyte, qui devra se tourner vers le catalogue de l’exposition pour identifier les problématiques : l’inscription de l’œuvre dans le contexte de l’après-guerre, la tension entre figuration et non-figuration, le genre vu selon Richier, sa relecture personnelle des grands mythes, le rapport au sacré voire au catholicisme, à la maladie et à la mort… Cette économie didactique nous semble un choix assumé, créant un cadre stimulant à la rencontre curieuse avec l’œuvre.
L’artiste, quant à elle, ne se découvre que de manière très pudique, presque dans l’effacement. Une photographie rappelle en début de parcours qu’elle fut l’élève de Bourdelle, mais seul un œil exercé verra l’influence des lois de la composition triangulaire dans l’œuvre de Richier. Seul un connaisseur retrouvera la silhouette d’Antonio Nardone, ancien modèle d’Auguste Rodin, dans certaines œuvres dont L’Orage (1947-1948). Ce corps massif est exposé aux côtés de L’Ouragane (1949). Sculptures à la fois figuratives et informelles, elles se dressent devant deux stèles abstraites symbolisant leurs tombeaux et taillées dans la pierre par Eugène Dodeigne à la demande de Richier. La scénographie reprend ici l’une des dispositions souhaitées en 1956 par la sculptrice, déjà minée par un cancer, et son sens apparaît à postériori évident. L’intimité de Richier ne se dévoile pas vraiment, ni au travers de la forêt de portraits qui peuplent l’une des salles, ni dans l’évocation de son atelier. Seuls les compas fixés au mur et quelques photographies nous rappellent combien elle était attachée à l’étude du modèle vivant, pour mieux en défaire les proportions, pour davantage s’écarter du réalisme et verser dans la métamorphose, le merveilleux, avec toute sa folie, sa noirceur et son étrange beauté.
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Écrit par
- Claire MAINGON : maître de conférences en histoire de l'art contemporain
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