GERMAINE RICHIER (exposition)
Le sacré et le profane
Un espace, qui évoque une chapelle, est consacré à l’une des plus célèbres sculptures de Richier : LeChrist d’Assy I, petit(1950), représentation famélique au visage effacé, qui fut à l’origine d’un scandale, en 1951. La polémique est évoquée discrètement, et l’œuvre domine de toute sa présence. Spécialement prêtée pour l’exposition, elle nous rappelle combien le sacré est une notion complexe et souvent intime, chez les sculpteurs modernes et contemporains. N’est-ce pas de la destinée, de la vie et de la mort, que nous parlent ces êtres hybrides, la femme-insecte (La Mante, grande, 1946), la joueuse de diabolo (Le Diabolo, 1950) ou encore le célèbre Griffu (1952) qui tient dans les airs ? L’espace, le vide sont constitutifs de l’œuvre, nous rappelant que cette problématique ne fut pas l’apanage des abstraits. Les œuvres de Richier, empreintes de mystère, portent en elles légendes et mythes. Si la foi de l’artiste n’est pas interrogée, sa poiétique l’est, au travers de mises en dialogue de l’œuvre aboutie avec son modèle en plâtre, mais aussi du modelage original de L’Homme-forêt (1945). Mentionnons l’ingénieuse présentation, dans un dispositif presque cinétique, de trois tirages en bronze de taille croissante de la Sauterelle (vers 1945). Quant à la très belle salle consacrée aux petites figures et aux études, elle permet de mieux saisir le processus créatif de l’artiste et sa liberté d’invention.
L’exposition renonce à présenter l’œuvre de Richier comme uniquement imprégnée de pathos et d’effroi, ce à quoi elle fut parfois réduite. La matière, la liberté de Richier à créer et à assembler, parfois à partir de matériaux organiques, montrent combien son art était nourri par sa fascination pour le vivant, l’humain, et habité par la couleur. Le bronze apparaît dans toute sa richesse chromatique, du noir profond aux tons clairs. La dernière salle présente des pièces tardives, baroques, telles que l’Homme-oiseau, petit personnage en plomb incrusté de verres de couleur (1952), ou certaines pièces conçues en collaboration avec des peintres (La Ville, avec Maria Helena Vieira da Silva, 1952). Y figure bien sûr L’Échiquier, grand (1959), œuvre testamentaire, ensemble de plâtres polychromes, réunion de figures composites dans l’espace libre du réel. Comme pour toute sculpture, les socles jouent aussi un rôle d’importance. Il faut saluer l’initiative de la commissaire de recréer ici des mises en espace proches des choix de Germaine Richier de son vivant.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Claire MAINGON : maître de conférences en histoire de l'art contemporain
Classification