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GERMAINS

Le concept même de Germains, tel qu'on l'utilise à présent, est essentiellement de nature linguistique. Confusément ressenti pendant très longtemps, il n'a en effet pris forme rigoureuse qu'au xixe siècle, quand la nouvelle science linguistique parvint, principalement en Allemagne, à élaborer une classification méthodique des langues indo-européennes. Caractérisés notamment par un certain nombre de traits phonétiques communs, tels ceux qui dérivent de la « première mutation consonantique », les parlers germaniques forment un ensemble bien délimité et cohérent qui couvre une grande partie de l'Europe centrale et septentrionale et qui, depuis le Moyen Âge, a largement essaimé outre-mer. Sans se dissimuler les discordances qui existent souvent entre faits linguistiques et faits sociaux ou politiques, les historiens emploient couramment ce concept pour l'Antiquité et le haut Moyen Âge. Ils traitent même volontiers comme des entités historiques les vastes ensembles que les linguistes discernent à l'intérieur du monde germanique : peuples de parlers nordiques (ou scandinaves), peuples ostiques, peuples westiques.

À condition de bien garder en mémoire sa portée exacte – classificatoire et non généalogique, descriptive et non explicative –, cet usage consacré reste commode. Mais il faut absolument éviter de glisser du domaine linguistique au domaine anthropologique, de parler de « race germanique », et il ne faut même évoquer qu'avec une extrême prudence l'idée d'une « civilisation germanique commune » ou « primitive ». Des langues apparentées se sont diffusées à toutes les époques de l'histoire parmi des populations d'une grande diversité.

Aux époques anciennes, la conscience d'une communauté germanique n'a le plus souvent été que confuse et partielle. Elle a surtout été ressentie par qui ne lui appartenait pas : le nom même de Germains lui a presque certainement été imposé de l'extérieur. Le terme semble être d'abord apparu sur des lèvres gauloises pour caractériser les populations qui, à l'approche du Rhin inférieur, commençaient à se différencier nettement des Celtes de l'intérieur. Il fut introduit dans le vocabulaire antique par l'historien grec Poseidonios au ier siècle avant notre ère, mais il passa dans l'usage surtout grâce à La Guerre des Gaules de César. On n'est pas sûr que les premières populations auxquelles il fut appliqué, les « Germains en deçà du Rhin », aient été purement germaniques, au sens moderne du mot. Le vocable n'a pas d'étymologie certaine, mais il peut être celtique. Jusqu'à la Renaissance, il n'a pas eu d'équivalent exact dans les langues germaniques. Le nom assez incolore de Deutsche – littéralement « ceux du peuple » –, imaginé sans doute au viiie siècle pour distinguer commodément les populations non romanes de l'État carolingien, ne s'est jamais étendu ni aux Germains insulaires (Anglo-Saxons) ni aux Scandinaves.

Au fur et à mesure que les Romains élargirent leur contact avec l'Europe centrale, le nom de Germains prit de l'extension, mais l'Antiquité ne semble pas l'avoir employé pour la plupart des peuples du rameau ostique qu'elle apprit à connaître par d'autres itinéraires, notamment pour les Gots. Une certaine incertitude pèse sur son application aux Scandinaves.

Formation des peuples germaniques

Avant César, l'histoire n'a presque aucun moyen direct d'atteindre les Germains, du moins quand ils ne quittent pas leur pays d'origine. Le recours à l'archéologie et à la préhistoire, discrédité par trop d'essais imprudents ou partiaux, ne peut être que fort circonspect. Il ne permet que de reconstituer des aires de civilisation, dans le sens le plus matériel du mot, et la coïncidence de celles-ci avec les aires linguistiques[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Caen

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200 à 300. Division des empires - crédits : Encyclopædia Universalis France

200 à 300. Division des empires

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