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GERMINAL, Émile Zola Fiche de lecture

Fresque sociologique et vision hallucinée

Germinal représente dans les Rougon-Macquart « la lutte du travail et du capital ». Dès juillet 1883, Germinal est en chantier, mais Zola s'est auparavant documenté de manière très méthodique. Il se rend à Valenciennes, Anzin et Denain, et descend au fond d'un puits. Il visite un coron, prend des notes, dresse un plan. Il a lu de nombreuses publications sur le monde des mineurs, d'Hector Malot à L'Enfer social (1882) d'Yves Guyot en passant par La Vie souterraine (1867) de Louis-Laurent Simonin, les Cahiers de doléances des mineurs français (1883) et La Question ouvrière au XIXe siècle (1872) de Paul Leroy-Beaulieu. Aussi Germinal s'appuie-t-il sur deux types de données. Les unes, sociologiques, lui permettent de restituer le monde de la mine, son langage, ses us et coutumes. Les secondes, économiques et politiques, lui font inscrire son roman dans la crise économique qui a frappé la fin du second Empire. Bien évidemment, la question sociale obsède Zola. Mais, loin d'opposer de façon tranchée bourgeois et ouvriers, il a l'intuition que le capital, comme le puits du Voreux, est une machine infernale. Aussi oppose-t-il aux grandes sociétés anonymes, comme la Compagnie de Montsou, non seulement les revendications de la classe ouvrière, mais aussi les formes désormais archaïques d'un capitalisme familial incarné par la mine de Deunelin.

Zola apporte un grand soin à décrire la classe ouvrière. Comme dans tous ses romans, il procède par tableaux antithétiques, opposant les intérieurs de la bourgeoisie à ceux des corons. Il fait des deux premières parties de Germinal une plongée dans l'univers d'une exploitation minière. Dans une atmosphère nocturne, servi par des machineries monstrueuses, le Voreux bascule très vite du réel dans le mythe : « Vers la droite, le terri barrait la vue, colossal comme une barricade de géants, déjà couvert d'herbe dans sa partie ancienne, consumé à l'autre bout par un feu intérieur qui brûlait depuis un an, avec une fumée épaisse, en laissant à la surface, au milieu du gris blafard des schistes et des grés, de longues traînées de rouille sanglante. » Zola montre alors un capitalisme sacrificiel où une population rampante, comparable à des insectes, fouille les entrailles de la terre. C'est un univers où la déshumanisation et l'aliénation ramènent l'individu vers l'animalité et la violence, vers un désir primordial incarné par les amours de Catherine et de Chaval. Aussi Germinal, de la même manière que Le Voyage au centre de la terre et Les Indes noires de Jules Verne, s'offre-t-il souvent comme un livre halluciné, bien loin du scientisme et du naturalisme expérimental auquel on a voulu réduire Zola.

— Jean-Didier WAGNEUR

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