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GERSONIDE LÉVI BEN GERSHOM dit (1288-1344)

Mathématicien, astronome, médecin, exégète biblique, talmudiste, théologien et philosophe, Gersonide est l'esprit le plus universel du Moyen Âge juif. Il est aussi l'un des plus indépendants, ce qui lui valut d'être attaqué aussi bien par les disciples, de stricte obédience, d'Averroès que par ses coreligionnaires traditionalistes, pour qui, jusqu'à nos jours, il est resté quelque peu suspect.

Dans la France méridionale où Gersonide est né et où il a vécu, Maïmonide était l'objet d'une grande vénération ; mais la diffusion des ouvrages d'Averroès, dont la plupart ont été traduits d'arabe en hébreu surtout dans le Languedoc et en Provence, avait remis en cause les solutions apportées par Maïmonide aux problèmes philosophiques et théologiques et soulevé de nouvelles questions.

Contrairement à Maïmonide qui se voulait essentiellement théologien, c'est d'abord en philosophe que Gersonide reprit les problèmes classiques de la pensée médiévale ; il adopta la nouvelle perspective où les avait placés l'interprétation qu' Averroès avait fournie de l'aristotélisme, non sans d'ailleurs contester parfois cette interprétation, puis il entreprit d'étudier leur incidence sur la croyance religieuse. À travers une minutieuse exégèse de nombreux livres bibliques, il tenta de dégager, outre les enseignements éthiques, politiques et religieux, les thèses métaphysiques que ces textes impliquent. Dans ses travaux scientifiques, qui portent sur l'arithmétique, la musique, la géométrie, la trigonométrie et l'astronomie, il soumet à la critique les théories d'Euclide, Ptolémée, Al-Bitroji (l'Alpetragius des Latins)... De l'invention d'un nouvel instrument astronomique, il tire une grande fierté. Enfin, on possède de lui une prescription médicale et des observations anatomiques et physiologiques intéressantes dans son Commentaire du Livre des animaux d'Averroès.

Fort prisés de son temps dans les milieux chrétiens, la plupart de ses traités scientifiques furent traduits en latin. Jusqu'à la désagrégation du judaïsme médiéval vers la fin du xviie siècle, ses idées philosophiques et théologiques s'imposeront à la critique des penseurs juifs qui, tout en reconnaissant son importance, ne le ménageront pas pour ses hardiesses.

L'écriture, imitation de Dieu

Toute l'œuvre de Dieu tend à octroyer à l'homme la plus grande perfection possible ; quiconque a reçu une part de perfection doit, pour imiter Dieu, en faire profiter son prochain en écrivant des livres. Ainsi pense Gersonide. Son histoire est celle de ses œuvres ; aussi bien croit-il, d'ailleurs, que la pensée d'un individu est infiniment plus importante que les « accidents » d'une existence éphémère.

La vie de Gersonide nous est mal connue. Né probablement à Bagnols-sur-Cèze (aujourd'hui département du Gard, France), Levi ben Gershom, appelé aussi Léon de Bagnols, magister Leo Hebraeus et Gersonide, vécut une grande partie de sa vie à Orange et fit quelques brefs séjours à Avignon. Il entretint des relations avec d'importants personnages chrétiens. On ignore le lieu de sa mort.

De 1319 à 1324, il compose des commentaires (encore inédits) sur un certain nombre de résumés et de commentaires d'ouvrages aristotéliciens par Averroès, dans lesquels il explique, rectifie et critique la pensée d'Aristote et d'Averroès. Son grand ouvrage de philosophie, Milhamot Ha-Shem (Les Guerres du Seigneur) dont la rédaction s'étend sur douze ans, est achevé en 1329. De 1325 à 1338, il écrit des commentaires sur la plus grande partie de la Bible. Dans son volumineux Commentaire sur le Pentateuque (Perush ‘al Ha-Tora, 1329-1338), Gersonide substitue aux règles traditionnelles de l'herméneutique talmudique d'autres règles[...]

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Écrit par

  • : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Autres références

  • AVERROÏSME

    • Écrit par
    • 1 586 mots
    ...mais sous des formes différentes, il est dans l'ensemble disciple d'Averroès, dont il repousse cependant la thèse de l'unité de l'intellect. Lévi ben Gerson (Juif provençal, 1288-1344), imprégné lui aussi de la pensée d'Averroès, nie également que l'intellect matériel soit unique, et en outre...