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GERSONIDE LÉVI BEN GERSHOM dit (1288-1344)

Les thèmes de Gersonide

Autonomie de la philosophie

D'après Gersonide, l'Écriture sainte ne peut exercer aucune contrainte sur le philosophe qui doit mener sa recherche d'une manière entièrement autonome, assuré cependant qu'au terme il retrouvera les conclusions mêmes de la révélation biblique, à condition de les interpréter correctement. Révélation et philosophie étant toutes deux l'expression d'une même vérité, contemplée en Dieu lui-même, elles ne peuvent évidemment se contredire. Elles se complètent mutuellement : la philosophie éclaire la Bible, tandis que celle-ci donne le branle à la pensée du philosophe, le retient sur la pente de l'erreur et lui suggère des points de repère indispensables, sans jamais lui imposer une idée à laquelle il ne serait pas parvenu par ses propres moyens.

Dieu, loi des existants

Gersonide fut l'un des premiers à pressentir le principe d'inertie, inconnu d'Aristote ; il ne pouvait donc plus prouver l'existence d'un Dieu transcendant à partir du mouvement. Il le fait à partir de l'organisation de l'univers. « Loi, ordre et système des existants », Dieu est la pensée éternelle qui, se pensant elle-même, pense du même coup tous les êtres, toutes leurs relations et tout leur devenir. L'homme peut connaître les attributs divins à travers sa propre essence. Dieu, par les lois du déterminisme universel, suit l'homme dans son histoire ; mais, bien qu'il prévoie les contingents, il ignore l'acte libre accompli dans telle situation concrète par certains individus humains : l'acte libre, en effet, est absolument indéterminé et totalement imprévisible. Cependant, la science divine ne subit aucune modification ; elle reste toujours vraie, puisque l'auteur de l'acte libre n'est plus compris dans la proposition nécessaire et universelle pensée par Dieu. Gersonide est convaincu d'avoir enfin réussi à concilier les deux principes fondamentaux de la Bible : l'omniscience divine et l'existence de la liberté humaine.

La création du monde

Contrairement à Maïmonide, Gersonide estime qu'on peut démontrer rationnellement la création du monde. Est non éternel tout ce qui est produit par une cause finale, est substrat d'accidents et comporte des particularités qui ne s'expliquent que par référence à un effet extérieur à lui. C'est le cas du ciel et de la terre. Par ailleurs, le perfectionnement progressif des sciences dans l'humanité serait impensable si le monde était éternel. Une grande partie des arguments d'Aristote destinés à prouver l'éternité du monde sont des pétitions de principe. Les lois physiques établies par lui (par exemple, celle de l'antériorité de la puissance sur l'acte) valent pour le devenir à l'intérieur d'un monde déjà constitué, mais elles ne peuvent s'appliquer à ce phénomène radicalement singulier qu'est le passage du non-être à l'être. L'univers dans sa totalité a été posé dans l'existence en un seul instant. Mais, comme rien ne peut être engendré à partir de rien, le monde a un substrat, un corps non créé qui est non-être, puisqu'il ne possède aucune forme et, par conséquent, n'a pas d'existence au sens propre de ce mot, toute existence ne venant que de la forme. Ainsi se trouve écartée la difficulté théologique que pouvait soulever une telle théorie.

Le véritable bien de l'homme

La providence divine octroie aux êtres vivants des moyens de protection de plus en plus efficaces, au fur et à mesure qu'on gravit l'échelle des êtres. Par le déterminisme astral, Dieu assure à tous les hommes un maximum de biens et leur épargne un maximum de maux. Prémonitions, rêves, prophéties, usage de la liberté sauvent certains individus des effets funestes de la conjoncture : leur imagination,[...]

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Écrit par

  • : docteur en théologie, docteur en histoire de la philosophie, docteur d'État ès lettres, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

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Autres références

  • AVERROÏSME

    • Écrit par
    • 1 586 mots
    ...mais sous des formes différentes, il est dans l'ensemble disciple d'Averroès, dont il repousse cependant la thèse de l'unité de l'intellect. Lévi ben Gerson (Juif provençal, 1288-1344), imprégné lui aussi de la pensée d'Averroès, nie également que l'intellect matériel soit unique, et en outre...