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GESTALTISME

Les théories de l'école de Graz

Les conceptions défendues par l'école autrichienne sont des théories de transition. De Wundt et de l'école de Leipzig, elle hérite la théorie des sensations et du contenu de conscience. Cependant, sa tendance générale se comprend avant tout par référence à l'œuvre de Brentano.

Ernst Mach : les formes temporelles et spatiales

Ernst Mach et Christian von Ehrenfels représentent le lien essentiel entre la psychologie de la sensation et celle qui procède de l'école autrichienne. Mach publie en 1886 son œuvre capitale Die Analyse der Empfindungen und das Verhältnis des Physischen zum Psychischen (L'Analyse des sensations et la relation du physique au psychique) et en 1905 Erkenntnis und Irrtum (La Connaissance et l'erreur), qui développe les thèmes épistémologiques abordés dans le premier ouvrage.

Mach, qui contribuera au développement du positivisme logique (Carnap, Feigl), élargit le concept de sensation en lui conférant, à partir des théories développées dans L'Analyse, une signification à la fois plus radicale et plus extensive. Les sensations constituent pour lui le donné premier de toute science ; elles constituent donc le point de départ de la physique autant que de la psychologie. L'apport décisif de Mach a été d'intégrer l'espace et le temps à l'ordre même de la sensation. C'est ce qui amènera Külpe à ajouter aux attributs que l'école élémentariste reconnaissait à cette dernière (la qualité et l'intensité) ceux d'espace et de temps. En ce sens, l'œuvre de Mach couronne et complète l'œuvre des élémentaristes. On peut modifier la couleur et la grandeur d'un cercle sans changer son caractère circulaire : la forme est donc indépendante de la qualité. De même, on peut transposer une mélodie sans altérer sa forme temporelle. Comme tout est réductible à des sensations, il est légitime d'admettre l'existence de sensations de formes temporelles (Zeitempfindungen, Zeitgestalten) et de sensations de formes spatiales (Raumempfindungen, Raumgestalten).

Christian von Ehrenfels et les qualités formelles

En insistant sur l'indépendance de la forme à l'égard de la qualité, Mach ne fit pas seulement passer dans l'ordre de l'expérience les catégories kantiennes du temps et de l'espace, mais il annonçait également la théorie de la forme qui devait reconnaître pleinement le statut phénoménal de l'extension et de la durée. L'idée des Gestaltqualitäten ou qualités formelles élaborée par Ehrenfels est très proche du concept de forme tel qu'il sera développé dans la suite par la Gestalttheorie. La pensée d'Ehrenfels, qui reste partiellement fidèle à l'élémentarisme, dépasse toutefois celui-ci en insistant sur le caractère sui generis de la qualité formelle par rapport aux données sensorielles qui lui servent de support.

Si l'on considère un carré, par exemple, on observe que les éléments analytiques ultimes auxquels on peut le réduire au niveau de l'activité sensorielle sont les quatre droites qui définissent son périmètre. Telles sont, pour Ehrenfels, les sensations qui sous-tendent la perception du carré et qu'il appelle les Fundamente. L'ensemble des Fundamente constitue la Grundlage (fond) de la perception. Lorsque celle-ci est constituée, apparaît le caractère propre du carré, lequel est saisi d'emblée comme quelque chose de nouveau par rapport à la Grundlage : c'est la qualité formelle.

Ehrenfels distingue des qualités formelles temporelles et d'autres qui sont non temporelles, ces dernières groupant les qualités formelles spatiales, la perception du mouvement, les fusions tonales, etc. La qualité formelle temporelle est particulièrement bien mise en évidence dans l'analyse de la mélodie. Quand on transpose celle-ci dans[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

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Figure réversible due à J. Albers - crédits : Encyclopædia Universalis France

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