GHETTO
De l'émancipation à la période nazie
La fin du ghetto classique
L'époque des Lumières relâche l'emprise de l'Église sur les corps sociaux et politiques et l' émancipation des juifs est proposée en Prusse par C. W. Dohm, en France par l'abbé Grégoire. Le vote de l'Assemblée nationale constituante (septembre 1791) émancipant les juifs creuse une brèche dans la ségrégation. Les armées révolutionnaires réalisent l'abolition systématique du ghetto italien : des feux de joie sont allumés partout avec les portes du ghetto et les rouelles des juifs, les murailles sont abattues, des arbres de la Liberté sont plantés à Ancône et à Padoue en 1798. Sous l'influence française, le ghetto s'ouvre presque partout en Occident. Mais la chute de l'Empire napoléonien permet le rétablissement juridique et matériel du ghetto italien : la papauté l'impose jusqu'à la fin de sa domination sur Rome en 1870. Au xixe siècle, les juifs d'Europe découvrent la misère du ghetto en pays musulman et consacrent leurs efforts à la « régénération » sociale et culturelle de ses habitants. Le passage d'une société de type médiéval à une société intégrée de type occidental est facilité pour les juifs des pays arabes, entre 1860 et 1960, par l'action de l'Alliance israélite universelle.
Le ghetto de l'ère nazie
Annoncée par Hitler dans Mein Kampf, la législation raciale de Nuremberg (15 septembre 1935) excluait les juifs, même convertis, de la société et des professions, créant ainsi un ghetto social. L'occupation de la Pologne et de l'Europe centrale par l'Allemagne nazie entraîne la reconstitution matérielle du ghetto. Le premier est établi à Lodz en avril 1940 ; d'autres suivent ; celui de Varsovie est le plus peuplé (un demi-million d'âmes). Tous les juifs d'une région y sont entassés de force ; on leur impose le port d'un brassard de 10 centimètres de large et d'une étoile jaune avec le mot Jude ; ils sont groupés en escouades de travailleurs forcés ; des rations alimentaires minimes leur sont attribuées et le quartier subit périodiquement des coups de main des S.S. Pourtant les juifs organisent la vie du ghetto, créant écoles, théâtres, activités politiques clandestines, malgré la délation organisée et le fonctionnement d'un conseil juif aux ordres des Allemands. Mais l'institution du ghetto n'est qu'une étape dans un plan plus vaste : on déporte périodiquement nombre de ses habitants vers les camps d'extermination où leur destination ultime est le four crématoire, « solution finale » du problème juif. Du ghetto de Varsovie, 300 000 juifs sont exterminés entre juillet et septembre 1942 à Treblinka. Du 19 avril au 16 mai 1943, une insurrection préparée en secret avec des armes passées en fraude, sous le commandement de Mordekhaï Anilewicz, leader du mouvement sioniste-socialiste Ha-Sǒmer Ha-Ṣa'ir, s'attaque à l'armée allemande. Révolte désespérée, abandonnée par la résistance polonaise et par l'armée russe, la bataille du ghetto dure un mois ; il faut aux Allemands des tanks et de l'artillerie pour en venir à bout : le ghetto est rasé. Bien d'autres ghettos connurent la même fonction et des insurrections similaires. À leur arrivée, les Russes les trouvèrent détruits ou vidés par les déportations. À Vilna, ils découvrirent, en 1944, 600 juifs cachés dans les égouts.
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Écrit par
- Gérard NAHON : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
Média
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