GHETTO
Le ghetto actuel, ethnique ou social
Le terme de ghetto a été employé récemment pour désigner l'habitat urbain noir aux États-Unis. Le ghetto noir est représenté dans nombre de villes américaines : Chicago, Boston, Philadelphie, Rochester, New York, Detroit, Los Angeles, Washington... Celui de Chicago est l'un des plus célèbres, avec celui de Harlem, à New York, qui est aussi le mieux étudié. Il diffère du ghetto classique par l'inexistence d'une contrainte légale y confinant ses habitants ; par contre, il prolifère en dépit d'une pléthore de lois édictées contre la discrimination raciale. Il apparaît graduellement lorsque des Noirs s'installent dans un groupe d'immeubles, bientôt déserté par les Blancs. Le processus de croissance du ghetto noir s'est manifesté entre 1920 et 1940 ; il se poursuit de nos jours. Le quartier est caractérisé par une détérioration marquée de l'habitat, une densité très forte, un mauvais état sanitaire, un taux élevé de mortalité infantile. Un chômage irrémédiable et massif, l'aliénation immobilière (les immeubles appartiennent à des Blancs et les loyers sont élevés), la délinquance rongent la famille noire, qui montre une grande instabilité. Les Noirs semblaient peu armés pour réagir, bien que possédant des leaders de valeur, le défaut d'organisations économiques et la multiplicité de leurs sectes religieuses ou mouvements politiques les privaient d'une armature institutionnelle et idéologique. Ils ne peuvent – comme les juifs de l'âge du ghetto – ignorer la société extérieure et ses chances sociales meilleures : elle pénètre dans le ghetto par le cinéma et la télévision. Parmi les associations noires, les Harlem Youth Opportunities Unlimited (Haryou) on travaillé dans les années 1960 à la promotion sociale des Noirs et à leur intégration. Une minorité révolutionnaire adopte le slogan Black Power, « Pouvoir noir ». Des émeutes du ghetto noir dans la période 1964-1968 ou celle de Los Angeles en 1991, aspect externe de la fermentation antérieure, ont été suivies par une organisation interne des dirigeants noirs, cultivant un anticolonialisme spécifique, préparant un contrôle quasi politique du ghetto.
L'historien croyait saisir la nature profonde du ghetto : cette institution visait à abaisser le juif pour mieux démontrer la supériorité du christianisme ou de l'islam sur le judaïsme. Le ghetto était une réserve où l'on mettait les juifs en attendant leur conversion. Il permettait aussi à la bourgeoisie et aux corps de métiers de réduire à la famine leurs concurrents potentiels ; la religion était alors un prétexte commode. Somme toute, le juif pouvait vivre au ghetto – l'histoire l'a démontré – et l'institution n'avait rien de monstrueux. En revanche, l'objectif réel du ghetto ressuscité par les nazis est établi avec certitude : il avait pour but l'extermination pure et simple des juifs. La suppression physique de 6 millions de juifs en Europe a donc couronné l'institution voulue et perfectionnée par les papes. On peut alors se demander si la finalité authentique du ghetto classique n'était pas celle même que les nazis mirent en évidence. Scandale pour l'esprit, le ghetto noir n'est pas créé par le législateur, mais sécrété par la société moderne considérée globalement. Aurait-il la fonction naturelle du ghetto juif : annihiler à terme une minorité rejetée pour sa différence ?
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Écrit par
- Gérard NAHON : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
Média
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