CARISSIMI GIACOMO (1605-1674)
Figure marquante de la musique du xviie siècle, Giacomo Carissimi a exercé son influence non seulement en Italie, mais dans l'Europe entière. Parmi ses élèves, on compte Bassani, Cesti, Bononcini, Scarlatti (Alessandro), le Français Marc-Antoine Charpentier, les Allemands Johann Philip Krieger, Johann Caspar von Kerll...
Fils d'un tonnelier de Marino, près de Rome, orphelin à dix ans, sans doute Carissimi fut-il recueilli par une de ces nombreuses institutions italiennes, mi-orphelinats (ou collèges pour enfants pauvres), mi-conservatoires qui, à Rome aussi bien qu'à Venise, furent des pépinières de musiciens. À dix-huit ans, il est chantre à la cathédrale de Tivoli ; il y tient le poste d'organiste de 1625 à 1627, puis passe à San Ruffino d'Assise. En 1630, il devient maître de chapelle à Saint-Apollinaire du Collegium germanicum de Rome, poste modeste qu'il conservera jusqu'à sa mort, en dépit de son immense réputation ; mais c'est pour l'oratoire du San Crocifisso in San Marcello qu'il travailla principalement. Vie simple, modeste, aisée. L'empereur Ferdinand II lui proposant de devenir son maître de chapelle, il refusa. Son œuvre fut jugée si précieuse qu'à sa mort un bref du pape en interdit l'aliénation et le prêt : malencontreuse précaution ! Lorsqu'en 1773 l'ordre des Jésuites (auxquels il avait laissé ses manuscrits) fut supprimé, tout fut mis au pilon, et quelques rares copies des bibliothèques d'Europe (à Hambourg et à Paris) sont aujourd'hui les seuls témoins d'une œuvre si importante... Seuls Jephté, le Judicium Salomonis et la Lamentatio damnatorum furent imprimés à l'époque. Son traité Ars cantandi a été conservé dans une traduction allemande.
L'œuvre de Carissimi est exclusivement vocale et s'exerce en deux domaines, voisins mais non confondus, celui de la cantate et celui de l'oratorio et de l'« histoire sacrée ». L'influence de Carissimi est déterminante dans les deux cas. Ses cantates (profanes) sont, pour la première fois et de manière systématique, une succession de récitatifs et d'airs : c'est tout l'avenir de la cantate en Europe qui se dessine donc avec lui. Plus rares, d'autres cantates reprennent la vieille forme de la canzone ou de la canzonetta à refrain. Mais c'est l'oratorio qui est le domaine le plus important de l'œuvre de Carissimi. Cette forme musicale tient son origine des réunions religieuses et musicales organisées par Philippe Neri à la Congregazione dell'oratorio (oratoire Santa Maria in Vallicella). La partie musicale de ces réunions se développa, et adopta, dans les premières années du xviie siècle, le style recitativo (Rappresentazione di anima e di corpo de cavalieri[L'Âme et le Corps], d'Emilio de Cavalieri).
L'oratorio, à l'époque où Carissimi commence à composer, affecte deux formes : l'histoire sacrée, avec récitant racontant un épisode biblique ou hagiographique, et la cantate morale, telle que L'Âme et le Corps de Cavalieri, à personnages symboliques, ou le Mottetto concertato, opposant chœurs et solistes. Le génie de Carissimi va être de faire fusionner tous ces éléments divers, mais en mettant l'accent sur l'élément narratif, le récit, confié à l'historicus, ou récitant. À ce rôle impersonnel, Carissimi infuse un accent lyrique ou dramatique en donnant leur indépendance aux protagonistes et en les faisant dialoguer. Dans l'oratorio du Mauvais Riche, par exemple, le récitant s'oppose au personnage principal tandis que le chœur commente l'action. Le récitant en vient lui-même à se personnaliser : dans l'Extremum Dei Judicium, c'est le Prophète lui-même qui est l'historicus, et qui dialogue avec le Christ, les anges et les âmes.
Un pas de plus[...]
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Écrit par
- Philippe BEAUSSANT : directeur de l'Institut de musique et danse anciennes de l'Île-de-France, conseiller artistique du Centre de musique baroque de Versailles
Classification
Autres références
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