LEOPARDI GIACOMO (1798-1837)
L'influence de Leopardi, que les Italiens tiennent à juste titre pour leur plus grand poète après Dante, fut médiocre pendant le xixe siècle, d'abord à cause de l'éclosion des nouveautés romantiques, ensuite lorsque s'affirmèrent des poètes aussi différents de lui que Carducci, D'Annunzio et Pascoli. Il faut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que Leopardi devienne un levain actif de la poésie nouvelle. On peut dire la même chose de sa pensée ; avec le déclin du néo-idéalisme, et dans une époque de crise et de bouleversements, elle acquiert enfin son actualité ; sa richesse prismatique de motifs et de points de vue se prête, chez quelques jeunes critiques et philosophes, à une façon de symbiose avec les courants nouveaux, du marxisme à l'existentialisme. Par sa poésie essentielle et décharnée, son pessimisme héroïque, Leopardi devient un inspirateur et comme un modèle de mieux en mieux adapté à l'actif désespoir des modernes.
Le comte Leopardi
Giacomo Leopardi naît à Recanati, petite ville perdue dans les Marches (qui faisaient alors partie des États de l'Église). Il se forme dans un milieu de petite noblesse papiste et légitimiste, loin des centres intellectuels où, malgré l'atmosphère morne qui pesait sur l'Europe après le déchirement produit par la Révolution française et les guerres napoléoniennes, devaient se dessiner, dans le climat de la Sainte-Alliance, les lignes de l'avenir.
La situation existentielle de Leopardi peut se résumer ainsi : santé extrêmement délicate (vers dix-sept ans, une scoliose dorsale et peu après une ophtalmie qui l'empêchera de lire pendant certaines périodes, et le lui interdira tout à fait dans ses dernières années) ; au commencement, solitude presque absolue, avec des relations circonscrites au milieu familial ; précocité exceptionnelle, qui, grâce à la bibliothèque paternelle très riche, produira des années d'« étude folle et désespérée » (origine, à l'en croire, de son infirmité physique). À dix ans, il apprendra sans maîtres le grec et l'hébreu, ainsi que le français, l'espagnol et l'anglais.
À quinze ans, Leopardi écrit une Storia dell'astronomia et commence les travaux philologiques, qui, dès leur publication, lui vaudront une renommée européenne.
À vingt ans, et coïncidant avec les premières manifestations de ses ennuis oculaires, c'est une « conversion philosophique » : il abandonne la foi enfantine pour une vision matérialiste de l'univers, laquelle lui viendra du sensualisme et du rationalisme des Lumières, mais traduite en termes de pessimisme radical.
La vie de Leopardi est pauvre en événements extérieurs. Rares ses amours ; et encore non partagées, ou destinées à une rapide déception : en 1817, la rencontre avec sa cousine Cassi-Lazzari ; plus tard, à Bologne, la liaison avec la comtesse Carniani-Malvezzi ; enfin, durant les années florentines (1830-1833), une passion malheureuse pour Fanny Targioni-Tozzetti lui inspirera quelques-uns des plus beaux poèmes de la dernière période. En revanche, l'amitié lui réservera les plus durables consolations ; aussi bien celle de l'homme de lettres néo-classique et patriote Pietro Giordani, célèbre à son époque, que celle du Napolitain Antonio Ranieri, qu'il avait connu à Florence en 1830, et qui l'accompagnera dans ses dernières années.
Leopardi restera toujours ce « fils de famille », très lié à ses parents et à ses frères. Il restera toujours centré sur l'adorée-détestée Recanati, même s'il tente, sans succès, une fugue loin de la maison paternelle (1817) et si, à partir de 1825, il mène une existence d'homme de lettres errant (Bologne d'abord, ensuite Milan, Bologne encore, puis Florence, Pise, Rome ; Naples enfin, en compagnie de Ranieri). Ses lettres aux familiers et aux amis décrivent une[...]
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Écrit par
- Sergio SOLMI : écrivain
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