LERCARO GIACOMO (1891-1976)
Dans un épiscopat italien dont les principaux représentants hésitent à manifester une autonomie de pensée et d'action face au Saint-Siège, sans pour autant en contester l'autorité, Giacomo Lercaro, après le IIe concile du Vatican, a surgi comme l'exemple même de la difficulté de cette ligne de conduite, et de son échec. Peut-être en avance sur l'évolution de l'Église vis-à-vis des problèmes italiens, il s'inclina cependant lorsque, le 12 février 1968, le Vatican annonça qu'il avait donné sa démission du siège archiépiscopal de Bologne « pour raisons de santé ».
Né en Ligurie, à Quinto a Mare, dans une famille de neuf enfants, Giacomo Lercaro fut ordonné prêtre en 1914 et exerça son ministère à Gênes, où il devint curé de paroisse en 1937. Traqué par l'occupant allemand pour avoir donné asile à des juifs et à des antifascistes, il se cacha dans un couvent jusqu'à la fin des hostilités.
C'est ce prêtre que rien n'avait jusqu'alors distingué que Pie XII fit en 1947 archevêque de Ravenne. L'ancienne capitale de l'Empire d'Occident, au bord des marais du delta du Pô, était le cœur d'une région traditionnellement socialiste, proche de l'anarchisme, et viscéralement anticléricale. Pie XII envoyait Mgr Lercaro à un combat marqué par l'histoire des mentalités – la Romagne avait en effet appartenu, jusqu'à l'unité italienne, aux domaines sur lesquels s'exerçait la souveraineté des papes, et les populations n'en avaient pas perdu le souvenir – et par les données récentes de la vie politique : la région Émilie-Romagne avait élu massivement des municipalités communistes et socialistes, dont l'emprise n'allait dès lors plus cesser de se renforcer. Le catholicisme se trouvait en position de défense.
De Ravenne, Giacomo Lercaro fut transféré en avril 1952 au siège de Bologne, capitale de la région, déjà donnée en modèle de « ville rouge » par les communistes. Au consistoire de janvier 1953, Pie XII le créait cardinal en l'accueillant comme « son fils chéri ». Une faveur aussi exceptionnelle de la part d'un pontife aussi réservé répondait à l'ardeur de Giacomo Lercaro dans la bataille contre les communistes. Au cours des campagnes électorales des années suivantes, ce dernier ne se contenta pas d'homélies. Il recruta dans les différents ordres une vingtaine de religieux qui furent dénommés les « frères volants » et les chargea de donner à travers le diocèse de Bologne des cours de religion, qui se transformaient fréquemment en meetings politiques. La cible majeure était le maire de Bologne, Giuseppe Dozza, membre de la direction du P.C.I., très populaire parmi ses administrés. Cette activité n'eut pas, dans l'immédiat, de résultats tangibles. À long terme, pourtant, elle contribua à amener les communistes à compter avec la force populaire catholique. Et le cardinal Lercaro prit la mesure de la réalité, des raisons pour lesquelles la gauche s'enracinait aussi fortement en Émilie-Romagne.
En 1958, Jean XXIII fut élu pape par un conclave au cours duquel le cardinal Lercaro avait été mentionné comme un possible héritier de Pie XII. Une transformation radicale s'était cependant produite en lui. Comment ? Sous l'empire de quelles influences ? Rien ne permet encore de le discerner. La première manifestation de ce changement eut lieu dès la première session du Concile à l'automne de 1962, lorsque Giacomo Lercaro proposa comme objectifs à l'assemblée le souci de l'« évangélisation » et de la connaissance du « mystère du Christ dans les pauvres », expressions qui sonnaient comme un appel au « dégagement », comme un retour à la mission pastorale, et qui furent ainsi comprises par les pères du Concile.
Paul VI, élu en juin[...]
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Écrit par
- Jacques NOBÉCOURT : historien, journaliste honoraire
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