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GIACOMO PUCCINI (M. Marnat)

Auteur de nombreux livres sur la musique et la peinture, Marcel Marnat est bien connu pour l'ouvrage qu'il a consacré à Maurice Ravel, considéré à juste titre comme une référence. Son Giacomo Puccini (Fayard, Paris, 2005) est aussi utile que décapant. Utile parce que la bibliographie en français de ce musicien joué dans le monde entier et chéri du public (imagine-t-on une saison lyrique digne de ce nom sans une Bohème, ou une Butterfly, voire une Turandot ?) est plus que restreinte, pour ne pas dire inexistante. Décapant, parce que les idées reçues y sont bousculées sans ménagement. L'entreprise est donc salutaire, et Puccini en sort grandi.

Il ne faut pas espérer de ces sept cents pages une biographie à l'anglo-saxonne, où l'individu pris en chasse est cerné dans son intimité minute après minute. Il est vrai que la vie de Puccini n'est pas vraiment un roman, même si elle prend parfois des allures de mélo ou de comédie de boulevard. L'homme, en effet, n'a rien de passionnant. Relativement peu cultivé, pas toujours très sympathique, opportuniste à l'occasion, il joue sans vergogne les séducteurs – ce qui est pour le lecteur d'un intérêt limité. Encore que, dans la province italienne des années 1880, enlever à son foyer une mère de deux enfants, vivre avec elle en concubinage et la rendre bientôt mère à nouveau ne devait pas passer inaperçu – le divorce n'étant pas autorisé dans le pays, le mariage n'aura lieu qu'en 1904, après la mort du mari. Cet épisode, finalement peu glorieux (Elvira deviendra une épouse encombrante et geignarde), mais couronné par la naissance d'un fils, Antonio (1886-1946), est sans doute le plus marquant dans l'existence de ce bon vivant, amateur de cuisine, de tabac et de voitures rapides, heureux de ses succès dans le monde entier et des revenus confortables qu'ils lui assurent, politiquement correct et partisan de l'ordre établi sans pour autant se compromettre avec le fascisme naissant.

Né à Lucques, en Toscane, le 22 décembre 1858, dans une famille de musiciens, Giacomo Puccini s'éteignit à Bruxelles le 29 novembre 1924, des suites d'un cancer de la gorge. C'est là que furent célébrées les obsèques, avant la cérémonie officielle à Milan, le 3 décembre : deuil national, drapeaux en berne et opéras fermés sur ordre du Duce. Deux ans plus tard, la dépouille sera transférée en Toscane dans le mausolée construit au bord du lac de Massaciuccoli, à Torre del Lago, où le maestro s'était fait construire une somptueuse retraite qui l'abrita pendant plusieurs décennies ; chaque année, un festival Puccini est organisé dans cette pittoresque bourgade. Voilà pour l'essentiel d'une vie souvent racontée, souvent romancée (y compris au cinéma).

Cette vie sans histoire fut en fait une vie de labeur, comme le démontre Marcel Marnat, qui s'attache de près à l'œuvre et la défend bec et ongles. Avec raison. Car, aussi populaire soit-il, Puccini demeure, aujourd'hui encore, un compositeur méconnu, croulant sous les clichés qui donnent de lui une image scandaleusement déformée et qui, hélas !, ont la vie dure. Sa musique est encore jugée facile, sentimentale à l'excès, parfois même vulgaire – on oublie trop vite, dans ce déluge d'inepties, la responsabilité des interprètes ! Cet amoureux du beau sexe est-il capable d'autre chose que de mettre en scène des petites femmes qui ne savent qu'aimer et mourir ? Même ses confrères ne se gênent pas pour le dénigrer, en France, notamment, où Paul Dukas et Claude Debussy ont pour lui les mots les plus durs. Heureusement, Maurice Ravel, Igor Stravinski et Arnold Schönberg se chargent de remettre les pendules à l'heure.

Ce que démontre sans peine Marcel Marnat, c'est que Puccini ne s'enferme jamais dans des formules,[...]

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