MORGAGNI GIAMBATTISTA (1682-1771)
Médecin italien du xviiie siècle, Giovanni-Battista ou Giambattista Morgagni (Jean-Baptiste Morgagni en français) fut un pionnier de l’anatomie pathologique qui démontra l'intérêt de l'étude des lésions anatomiques d’un patient et de leur confrontation avec les manifestations cliniques de sa maladie.
Entre le xvie et le xviiie siècle, la médecine enseignée dans les universités des villes du nord de l’Italie (Milan, Bergame, Bologne, Padoue) occupe une place dominante en Europe. Des anatomistes comme André Vésale, Antonio Maria Valsalva, Marcello Malpighi et Gabriel Fallope produisent des descriptions anatomiques du corps et de ses organes d’une très grande précision. On vient de toute l’Europe se former en Italie. Mais, vers la fin du xviie siècle, s’il est admis que l’on ne peut pas faire de bonne médecine sans connaître l’anatomie humaine, on se demande par ailleurs si elle est utile pour décrire les maladies, leur origine et leur traitement. N’apprendrait-on pas davantage si l’ouverture du corps était pratiquée sur un patient décédé dont on connaît l’histoire clinique, plutôt que sur un pendu ? Des médecins comme William Harvey en Grande-Bretagne ou Théophile Bonet en Suisse soutiennent alors cette position qui cherche à relier la maladie à une anomalie d’un organe et s’opposent aux théories classiques selon lesquelles elle affecterait le corps dans son ensemble par le biais des humeurs circulantes, hypothèse la plus courante alors.
Giovanni-Battista Morgagni appartient à ce courant moderniste. Né le 25 février 1682 à Forli (aujourd’hui en Émilie-Romagne), Morgagni étudie à Bologne et devient docteur en médecine en 1701 et assistant du grand anatomiste Antonio Maria Valsalva à Bologne. Il se perfectionne à Padoue et à Venise, puis obtient la chaire d’anatomie de Bologne à la mort de Valsalva en 1715. Il l’occupera jusqu’à son décès en 1771. Sa singularité en tant que moderniste est d’associer la description clinique complète du malade et de sa maladie à l’observation de ses organes par autopsie et comparaison des différences observées avec l’anatomie connue d’un corps sain. Morgagni rassemble 700 autopsies de malades dont la pathologie est bien documentée, dans son ouvrage De sedibus, et causismorborum per anatomenindagatis(« Les sièges et les causes des maladies étudiées par l'anatomie »), publié à Venise en 1761. Par comparaison, Morgagni lie la lésion d’un organe à la pathologie dont le malade souffre. Cet ouvrage est ainsi une sorte de manifeste en faveur de l’approche anatomoclinique des maladies. Publié à plusieurs reprises en latin puis dans diverses langues européennes, il bénéficie d’une large diffusion. De cette masse d’informations ressort l’association de certaines maladies ou certains signes cliniques à la lésion d’un organe. Morgagni formule un véritable programme de médecine anatomoclinique. Sa démarche s’accompagne de la création de collections de pièces anatomiques illustrant les lésions de telle ou telle maladie. Cependant, si établir le lien entre organe et maladie est novateur, cet inventaire de corrélations ne suffit pas pour comprendre la maladie. Morgagni ne propose pas l’organisation des maladies en systèmes, par exemple en les associant aux fonctions altérées de l’organe. Dans son approche, entre l’organe atteint et les signes cliniques, manquent des hypothèses étiologiques de la maladie. En effet, Morgagni reste attaché à la théorie des humeurs qui sont à l’origine de l’atteinte des organes, cette dernière cause de la maladie, et ne peut formuler d'autres hypothèses. Néanmoins, il occupe une position charnière entre deux époques. La démarche étiologique sera introduite dès le dernier tiers du xviiie siècle dans toute l’Europe.
Giovanni-Battista Morgagni meurt à Padoue le 5 décembre 1771.
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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MÉDECINE - Histoire
- Écrit par Charles COURY
- 8 963 mots
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