DE CARLO GIANCARLO (1919-2005)
Giancarlo De Carlo aura incarné l'une des figures les plus respectées du Mouvement moderne en architecture : celui que l'historien norvégien Christian Norberg-Schulz avait qualifié de « seul représentant de la troisième voie » – choisissant de ne pas renoncer aux acquis de la modernité, tout en demeurant attentif aux notions de lieu, de territoire, et surtout de proximité avec l'usager. C'est en effet par ce constant souci de l'autre, par une approche éthique davantage qu'esthétique du projet, que Giancarlo De Carlo a maintenu au plus haut niveau d'exigence le métier d'architecte, ce dernier devant, selon lui, se mettre avant tout au service de l'individu, non de la communauté.
Cette attitude trouve en grande partie sa source dans l'engagement politique de Giancarlo De Carlo. Né à Gênes le 12 décembre 1919, il entame des études d'ingénierie en 1937, puis d'architecture en 1943, avant d'entrer dans la Résistance au sein du Mouvement d'unité prolétaire. Après la Seconde Guerre mondiale, il milite dans un groupe anarchiste et poursuit ses études à la faculté d'Architecture de Venise, où il est diplômé en 1949. Cette période scelle des amitiés fondatrices : avec Delfino Insolera, ingénieur omniscient, l'anarchiste Carlo Doglio, l'architecte Giuseppe Pagano, mais aussi les écrivains Italo Calvino – auteur des célèbres Villes invisibles (1973) – et Elio Vittorini, autour duquel se forme un groupe d'intellectuels informel, les « Amis de Bocca di Magra ». De Carlo rencontre également Fernand Léger, auquel il demande un tableau pour le paquebot Lucania qu'il vient d'aménager (1952).
La carrière de Giancarlo De Carlo, comme sa jeunesse, sera marquée par une résistance permanente : en désaccord avec la ligne éditoriale d'Ernesto N. Rogers, il quitte la revue Casabella Continuità après deux ans de collaboration, de 1954 à 1956. Puis à partir de 1959, aux côtés de Jaap Bakema, Georges Candilis, Shadrach Woods, Aldo van Eyck, Alison et Peter Smithson, il anime Team Ten, un groupe en lutte contre le dogme stérile des derniers Congrès internationaux d'architecture moderne (C.I.A.M.).
Les premières réalisations de Giancarlo De Carlo s'inscrivent dans cette réflexion critique, notamment l'immeuble de logements construit à Matera (Basilicate, 1954-1957), dont l'écriture traditionnelle est vivement dénoncée au C.I.A.M. d'Otterlo, en 1959. L'architecte ne renonce pourtant pas à concilier langage rationaliste et culture locale. Il le démontre pendant plusieurs décennies à Urbino (Marches), dont il conçoit le plan d'urbanisme en 1964, puis de nouveau en 1994. Parmi les nombreuses interventions que lui doit celle qu'il nomme sa « ville intérieure », la faculté des sciences de l'éducation (Il Magistero, 1968-1976) et le centre universitaire (1962-1966, puis 1973-1983) – dont le plan-masse est à rapprocher de l'orphelinat construit par Aldo van Eyck à Amsterdam (1960) – offrent des exemples d'intégration, dans le tissu ancien de la cité pour la première et dans le paysage pour le second.
Avec le quartier Mateotti à Terni en Ombrie (1969-1974), ensemble de logements en terrasse desservis par des rues piétonnes et une promenade surélevée, De Carlo poursuit sa recherche, en associant les habitants à la mise au point du projet. L'architecte se fait alors le héraut d'un processus de participation qu'il tente de mettre en place ailleurs, comme dans le plan d'urbanisme du centre ancien de Rimini (1970). Sur l'île de Mazzorbo à Venise (1979-1986), il crée un quartier en s'inspirant des tissus urbains de la lagune et des typologies des maisons colorées sur l'île voisine de Burano.
Auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages, De Carlo concrétise sa démarche[...]
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Écrit par
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
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