RAIMONDI GIANNI (1923-2008)
Comment se frayer un chemin vers la célébrité quand la glorieuse génération des Franco Corelli, Carlo Bergonzi, Mario Del Monaco et Giuseppe Di Stefano occupe le devant de la scène et que pointent déjà dans tout leur éclat des étoiles montantes appelées Luciano Pavarotti et Plácido Domingo ? L'évident talent du ténor italien Gianni Raimondi, bien que masqué par ce voisinage aveuglant, lui a néanmoins offert une carrière bien remplie, aussi discrète qu'exemplaire, ainsi que la fidèle admiration des vrais amateurs.
Gianni Raimondi naît à Bologne le 17 avril 1923. Il commence ses études musicales au Conservatoire de sa ville natale avec Antonio Melandri et Gennaro Barra-Caracciolo, puis les poursuit à Mantoue auprès d'Ettore Campogalliani. Le modeste Théâtre de Budrio – une petite ville située non loin de Bologne – accueille en 1947 ses premiers pas sur scène (le Duc de Mantoue dans Rigoletto de Verdi). L'année suivante, il se fait remarquer au Teatro Comunale de Bologne sous les traits d'Ernesto (Don Pasquale de Donizetti). Il se produit tout d'abord en Italie – il participe notamment, à Florence en 1952, au côté de Maria Callas, à la redécouverte d'Armida de Rossini –, dans de nombreuses villes françaises (Nice, Marseille, Vichy, Toulouse, Paris), ainsi qu'à Londres et Monte-Carlo. Le 20 juin 1954, au Teatro della Pergola de Florence, il est un des protagonistes de la création de Il Contrabbasso de Valentino Bucchi. Il débute à la Scala de Milan en 1956, dans le rôle d'Alfredo (La Traviata de Verdi), où il donne une nouvelle fois la réplique à Maria Callas, sous la direction de Carlo Maria Giulini, dans l'éblouissante production que signe Luchino Visconti ; il succède à Giuseppe Di Stefano, qui incarnait le personnage depuis l'année précédente. La grande scène italienne – pour laquelle il assurera près de 270 représentations – réunit en 1957 cette prestigieuse équipe pour conduire Anna Bolena de Donizetti au triomphe : il y incarne Percy. La même année, il chante pour la première fois à la Staatsoper de Vienne (Rodolfo dans La Bohème de Puccini), inaugurant une collaboration qui durera plus de vingt ans.
Gianni Raimondi s'illustre aussi bien dans Verdi – Alfredo, le Duc de Mantoue, Riccardo (Un Ballo in maschera) – que dans Puccini avec Cavaradossi (Tosca) et Pinkerton (Madama Butterfly). Il se joint à Joan Sutherland pour faire revivre de grandes partitions rossiniennes : Mosè in Egitto (rôle d'Amenofi, 1958) et Semiramide (rôle d'Idreno, 1962). En 1963, il remplace à Vienne Giuseppe Di Stefano dans le rôle de Rodolfo de La Bohème que dirige Herbert von Karajan. Le grand chef d'orchestre l'invitera à de nombreuses reprises et le retiendra pour figurer, au côté de la Mimì de Mirella Freni, dans le film consacré à cet opéra réalisé par Franco Zefirelli (1965). La soirée du 29 septembre 1965 voit les débuts simultanés de Gianni Raimondi et de Mirella Freni au Metropolitan Opera de New York, toujours dans les deux principaux rôles de La Bohème.
À l'apogée de son parcours musical, Gianni Raimondi se distingue par la vaillance de ses aigus, la chaleur de son timbre, la sûreté de son goût et la sobriété de son style. Brillant défenseur du bel canto romantique, il appartient sans conteste à l'élite des ténors légers de son temps. Les années 1970 voient son répertoire s'étendre à Pollione (Norma de Bellini) et Gennaro (Lucrezia Borgia de Donizetti, où il côtoie Leyla Gencer et Montserrat Caballé) ainsi qu'à de nouveaux Verdi (Carlo dans I Masnadieri, Arrigo dans I vespri siciliani, Gabriele Adorno dans Simon Boccanegra). À l'âge de soixante-neuf ans, en 1992, il met fin à une carrière de 45 ans et se consacre à l'enseignement dans la ville de Budrio qui avait vu ses débuts ainsi qu'à l'Académie de la Scala[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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