GIBRALTAR
Le territoire de Gibraltar, d'une superficie de 6 kilomètres carrés et peuplé de 28 000 habitants au milieu des années 2000, se compose d'un haut rocher calcaire (425 m) rattaché au continent par une étroite plaine sablonneuse qui ferme la partie orientale de la baie d'Algésiras.
À la jonction de l'Europe et de l'Afrique, de la Méditerranée et de l'Atlantique, le Rocher constitue avec le mont Abyla (Ceuta) une des colonnes d'Hercule contrôlant un des lieux de passage les plus anciens et les plus fréquentés du monde.
Gibraltar, musulmane de 711 à 1462, fut, sous la monarchie espagnole, essentiellement une place forte dont le rôle demeura secondaire. Colonie de la couronne britannique depuis 1713, ce lieu stratégique est l'objet d'un différend entre Londres et Madrid.
Importance stratégique et économique
L'occupation de Gibraltar par l'amiral anglais George Rooke, en 1704, ouvre le destin moderne du Rocher. Le traité d'Utrecht, en avril 1713, l'attribue à la Couronne anglaise avec deux restrictions : dans le cas où la monarchie britannique s'en déferait, l'Espagne aurait un droit de préemption ; l'administration anglaise veillerait à ce que Gibraltar ne constitue pas un foyer de contrebande. Au xviiie siècle, la place n'offre encore qu'un intérêt limité. C'est au xixe siècle qu'elle acquiert toute son importance. Pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire, elle devient le centre de la course britannique en même temps que le principal entrepôt du commerce anglais en Méditerranée. Son rôle de place commerciale est conforté par sa transformation en port franc. Gibraltar est, dans les premières décennies du xixe siècle, un centre exceptionnel de commerce : contrebande avec l'Espagne, relais pour l'Afrique du Nord, port de relâche du passage de l'océan à la Méditerranée et enfin, à partir de 1835, port charbonnier. Ces fonctions économiques modifient son importance : place stratégique, toujours, mais peut-être moins que place de commerce. C'est le deuxième Gibraltar que dénonçaient les Espagnols comme n'étant plus la forteresse cédée au traité d'Utrecht, mais, sur le flanc de la péninsule, à la fois un entrepôt de commerce illicite et un foyer de propagande révolutionnaire. Ce double rôle apparaît dans les chiffres des échanges comme dans ceux de la population. Gibraltar, entre 1845 et 1850, est le septième port de commerce de la Méditerranée, avant Barcelone.
La population affirme son originalité. Les Espagnols sont remplacés par des Génois, mais aussi par des Portugais, des Irlandais, des juifs d'Afrique du Nord : population hétéroclite augmentée de réfugiés politiques de toutes régions. En 1725, sur 1 113 adultes, 414 sont génois et 137 juifs. En 1791, sur 2 890 habitants, on compte 395 protestants, 1 815 catholiques et 680 juifs.
Bien qu'elle soit décimée par de fréquentes épidémies de fièvre jaune (1804, 1813-1814, 1828), la population s'accroît rapidement, jusqu'à compter 17 000 habitants en 1831.
À partir des années 1860-1870, le rôle de la ville se modifie, le commerce stagne, la contrebande diminue. Le Rocher est de plus en plus dépassé par Malte, mieux placée par rapport aux intérêts qui se développent en Orient. Comme port charbonnier, Gibraltar est concurrencée par Alger. La population n'augmente plus que très lentement, avec un début d'émigration. Le Gibraltarien affirme son originalité : vieux fonds italien, apport espagnol, volonté affichée d'être anglais. En 1901, la ville compte 20 355 habitants. Son statut est encore celui qu'elle acquit, en 1830, lorsqu'elle devint colonie de la Couronne. Son rôle se mesure de plus en plus en fonction du problème marocain et des relations hispano-anglaises.
Les revendications[...]
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Écrit par
- Jean-Louis MIÈGE : professeur émérite d'histoire à l'université de Provence
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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