GILBERT DE LA PORRÉE (1080?-1154)
Après 1126, Gilbert de La Porrée est chancelier de la cathédrale de Chartres ; en 1141, Jean de Salisbury assiste à ses cours à Paris ; il est évêque de Poitiers en 1142, et meurt en 1154. C'est avant tout un théologien, qui aura, de même qu'Abélard, des difficultés avec saint Bernard (synode de Reims, 1148) et laissera des disciples, l'école des « porrétains » (cf. M. A. Schmidt, Gottheit und Trinität nach dem Kommentar des Gilbert Porreta zu Boethius De Trinitate, Bâle, 1956). Commentant les opuscules théologiques de Boèce, il met en jeu un système conceptuel complexe (dont son contemporain Clarembaud d'Arras critique la difficulté, voire l'obscurité). Ainsi, il distingue la substance (ce qui « se tient sous » les accidents) de la subsistance (ce qui peut exister sans accidents : ainsi, les genres et les espèces). Il distingue encore, toujours à la suite de Boèce, le quod est, « ce qui est », et le quo est, « ce par quoi » une chose est telle ou telle. Le quo est est aussi défini comme « puissance de faire » : cela revient à poser que la forme est efficace. Gilbert, suivant en cela Bernard de Chartres, appelle « formes originaires » (formae nativae) les formes qui résident dans les choses créées : « sensible dans la chose sensible, insensible quand elle est conçue par l'esprit, singulière dans chaque chose prise à part, universelle dans toutes » (Jean de Salisbury, qui résume ainsi la doctrine de Gilbert), la forme originaire est la copie de l'idée, qui reste à l'écart du sensible. De même, l'être (esse) des substances vient de l'essence (essentia) divine, sans que pour autant Dieu informe la créature. Diversement accueillie de ses contemporains, comme on l'a vu, ce n'est qu'assez récemment que la pensée de Gilbert de La Porrée a été redécouverte, à la faveur de l'intérêt pour la renaissance du xiie siècle et ses doctrines philosophiques et théologiques.
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Écrit par
- Jean JOLIVET : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
Classification
Autres références
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MOYEN ÂGE - La pensée médiévale
- Écrit par Alain de LIBERA
- 22 212 mots
...néoplatonisme boécien. La chose apparaît nettement si l'on considère ses principaux promoteurs : les commentaires des opuscules théologiques de Boèce chez Gilbert de Poitiers et ses élèves (les « Porrétains », Porretani, vers 1160). De fait, la distinction entre deux signifiés de tout nom employé en...