GILBERT ET GEORGE GILBERT PROESCH (1943- ) et GEORGE PASSMORE (1942- ), dits
L'art pour tous
Violemment opposés aux idéologies formalistes et conceptuelles de « l'art pour l'art » (Art's-Sake), Gilbert & George considèrent que leur activité relève de la morale. À l'utopie d'un art qui serait fait « par tous », ils substituent l'idée d'un « art pour tous » (art for all). Ils ont en effet conscience qu'ils sont, en tant qu'artistes, en position de manipuler le public. Ils ne font pas mine à cet égard de masquer leur position privilégiée. Leur attitude, sur ce point, se distingue du messianisme militant d'un Joseph Beuys et se situe davantage dans la filiation d'Andy Warhol. Très vite, ils utilisent des moyens qui rompent avec le vocabulaire traditionnel de l'art : livres, cartes postales, films, performances... Mais ils ne rechignent pas non plus à exploiter, à une grande échelle il est vrai, les ressources du dessin au fusain (The Nature of our Looking, 1970 ; The Bar, 1972) ou de la peinture la plus traditionnelle (The Paintings, 1971).
Il y a dès le départ chez Gilbert & George une détermination à se situer dans une forme d'art populaire contemporain. Leurs débuts sont d'ailleurs marqués par les valeurs et les comportements issus de la scène rock britannique : un certain goût de la provocation allié à une volonté de faire image et non plus seulement de produire des images. Leurs gestes et leurs déclarations sont dans cet esprit symptomatiques d'une conception éthique et esthétique préfigurant ce qui, à partir de 1977, se cristallisera autour du mouvement punk. « Nous sommes malsains, entre deux âges, scabreux, déprimés, cyniques, vides, las, minables, pourris, rêveurs, grossiers, insolents, arrogants, intellectuels, auto-compatissants, honnêtes, victorieux, travailleurs, réfléchis, artistiques, religieux, fascistes, sanguinaires, taquins, destructifs, ambitieux, pittoresques, damnés, obstinés, pervertis et bons. Nous sommes artistes. » Cette attitude, qui se joue des clivages politiques, moraux et esthétiques, relève précisément de la morale la plus lucide.
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Écrit par
- Bernard MARCADÉ : critique d'art, professeur d'esthétique à l'École nationale d'arts de Cergy-Pontoise
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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Média
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