RYLE GILBERT (1900-1976)
Le philosophe anglais Gilbert Ryle fit ses études de philosophie à Oxford, fut nommé lecteur en 1924 et, en 1925, tuteur (tutor) à Christ Church College. De 1945 à 1968, il fut « Waynflete professor of metaphysical Philosophy » à l'université d'Oxford. Il enseigna ensuite au Magdalen College à Oxford. Il édite la revue Mind, où il a publié de nombreux articles (il a aussi écrit dans la revue Philosophy). C'est un des représentants les plus brillants de l'école d'Oxford en philosophie analytique.
En 1931, dans un article intitulé « Systematically Misleading Expressions » (reproduit dans Logic and Language, Oxford, 1952), il proclame que l'analyse est la seule et unique tâche de la philosophie ; en particulier, elle doit détecter dans le langage courant comme dans les manières de parler des philosophes la source des erreurs et des difficultés. L'ouvrage The Concept of Mind fut, dès sa parution en 1949, célèbre et exerça une influence certaine. Il développait un nouveau style d'attaque contre les vieux problèmes : d'abord, contre le mythe cartésien (dont l'origine remonte à Platon) du « fantôme dans la machine » (the ghost in the machine). Ryle désigne par là une doctrine officielle sur la nature de l'esprit, qui a constitué pendant des siècles le fonds commun de toutes les discussions en philosophie de la connaissance. Ryle se propose de briser ce dogme de l'esprit-fantôme et de rectifier les erreurs qui en sont issues. Pour décrire ces erreurs, il utilise l'expression « faute de catégorie » (category-mistake), ou transgression de catégorie : présentation de faits relevant d'une catégorie donnée dans un langage propre à une autre catégorie. Malheureusement, Ryle n'a donné nulle part de définition rigoureuse de ce qu'il faut entendre par catégorie. Retenons néanmoins que son projet est de retrouver l'usage linguistique correct des termes et de contribuer par là même à l'élimination des faux problèmes. Ainsi, la doctrine officielle sur l'esprit repose sur une faute de catégorie et elle en a suscité beaucoup d'autres. En quoi consiste cette doctrine ? En un dualisme radical séparant corps et esprit, objets et événements physiques d'une part, objets et processus mentaux d'autre part, distinguant entre l'aspect « public » du monde extérieur et du comportement observable et l'aspect purement privé de la vie intérieure individuelle. De cette doctrine il découle que, si chacun est assuré de sa propre vie intérieure, il n'a qu'un soupçon indirect de celle des autres ; les énoncés portant sur l'esprit diffèrent complètement, quant à leur sujet, des énoncés portant sur le corps. D'où deux questions insolubles : quelle relation y a-t-il entre le corps et l'esprit ? comment pouvons-nous savoir ce qui se passe dans l'esprit de l'autre ? La seule réponse autorisée dans ce cadre semble être le solipsisme. La méthode de Ryle pour démêler et éclairer ces problèmes revient à considérer un certain nombre d'assertions portant sur l'esprit ; d'après la théorie officielle, elles se réfèrent uniquement à des processus internes, non à des processus extérieurs ou corporels ; pour Ryle, il est cependant pertinent de considérer également le corps et le comportement observable : ces assertions sont vraies ou fausses en rapport avec quelque chose de « public ». La thèse de Ryle a une portée ontologique : il n'existe réellement que des corps et autres objets physiques, il ne se produit réellement que des événements et processus physiques ; les énoncés portant apparemment sur l'esprit portent en fait sur des conduites observables ; la vie privée intérieure n'existe pas. Bien que Ryle s'en soit défendu, on ne peut que le rapprocher du béhaviorisme.[...]
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Écrit par
- Françoise ARMENGAUD : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes
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