FREYRE GILBERTO DE MELO (1900-1987)
Né à Recife, dans l'État du Pernambuc, l'écrivain Gilberto Freyre restera sans aucun doute une des figures centrales de la vie intellectuelle brésilienne du xxe siècle, une de celles aussi auxquelles les Brésiliens d'aujourd'hui s'identifient facilement, semblable en cela à un Jorge Amado, qui l'admire d'ailleurs beaucoup. Figure nécessaire donc, et pourtant contestée : anthropologue de premier plan, il offre par ses travaux la possibilité d'une redécouverte de l'identité brésilienne enfouie sous le fait colonial, par une démarche parallèle à celle de Macunaima, le héros de Mario de Andrade, alors que ses prises de position politiques en faveur de la droite la plus réactionnaire et son soutien au coup d'État militaire de 1964 créent le trouble auprès de ceux qui chercheraient entre son œuvre et sa vie une cohérence absolue.
Gilberto Freyre, issu d'une vieille famille aristocratique, put recevoir une éducation anglo-saxonne et faire des études aux États-Unis, où il se rendit en 1918 pour fréquenter les universités Stanford et Columbia. Revenu au Brésil en 1923, il rédige un Manifeste régionaliste du Nordeste (1925), dans lequel il se démarque du mouvement moderniste dominant alors à São Paulo. Son œuvre maîtresse, celle qui fait sa célébrité au Brésil et à l'étranger, Casa grande e Seuzala, littéralement « Maison de maître et baraque d'esclave », paraît en 1933. Livre inaugural, peu académique, qui dresse une fresque saisissante des rapports sociaux dans la vie coloniale brésilienne et rappelle avec force ce que la culture brésilienne doit à ses racines noires, à ses origines populaires. Gilberto Freyre mêle les approches scientifiques et littéraires, et, en même temps qu'il les évoque, son livre (traduit en français par Roger Bastide sous le titre Maîtres et Esclaves en 1953) réhabilite les parlers populaires, les traditions des esclaves, tout ce Brésil « bizarre » qui trouvait jusque-là difficilement sa place dans les études scientifiques.
L'œuvre de Gilberto Freyre est considérable (Sobrados e Mocambos, 1936 ; Nordeste, 1937 — traduit par Jean Orecchioni en 1956 sous le titre de Terres du sucre ; Interpretação do Brasil, 1945 ; Ordem e progresso, 1959 ; Guide pratique et sentimental de la ville de Recife...), protéiforme, mais elle témoigne surtout d'une remarquable aptitude à cerner les multiples aspects de la réalité brésilienne, au croisement des apports noirs, indiens et portugais. En dehors de ses travaux personnels, Gilberto Freyre a déployé une intense activité d'enseignement, qui l'a conduit dans des universités du Portugal et des États-Unis, mais il a aussi pris part à la vie publique de son pays. Député du Pernambuc entre 1945 et 1950, il est délégué du Brésil auprès de l'O.N.U. entre 1949 et 1964. En 1964, il apporte son soutien à la dictature militaire et prend même des positions surprenantes justifiant la censure de la presse, ce qui va lui aliéner la sympathie des milieux intellectuels, en dépit de l'immense prestige qu'il conserve . Paradoxe singulier de la part d'un homme dont l'œuvre majeure est un exemple de tolérance et de compréhension des différences culturelles.
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Écrit par
- Jean-Luc PINARD-LEGRY : journaliste
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Autres références
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NORDESTE LITTÉRATURE DU
- Écrit par Mario CARELLI
- 767 mots
Le Nordeste a été la région du Brésil la plus anciennement colonisée, Salvador de Bahia le premier siège du gouvernement colonial portugais dont la richesse économique provenait des moulins à sucre. La sédimentation ethnique et culturelle de cette vaste région, qui a été ultérieurement déclassée...