Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

GILETS JAUNES

Horizons du mouvement

Par sa durée inédite (plusieurs mois), sa dispersion territoriale, l’absence d’encadrement syndical ou partisan, sa capacité à mobiliser des citoyens habituellement éloignés de la politique et son très haut degré de conflictualité, le mouvement des gilets jaunes a frappé les esprits. Aussi composite qu’ambigu, il a suscité des interprétations contrastées. S’agissait-il de la résurgence d’une forme de « jacquerie », d’une bouffée de fièvre « poujadiste » ou d’un nouveau type de mouvement spécifique de l’ère de la défiance institutionnelle, de la métropolisation et des réseaux sociaux ? Les forces du mouvement (sa souplesse, son « informalité », son horizontalité…) sont aussi à l’origine de ses faiblesses (absence d’horizon stratégique clair, de lisibilité…), le refus de toute désignation formelle de porte-parole correspondant au rejet de quelque forme d’institutionnalisation que ce soit (Christian Le Bart). Ainsi, à partir de février 2019, la fracture a été de plus en plus forte entre la stratégie de la rue et celle des urnes, qui supposait la naissance formelle d’une organisation en vue des élections européennes du mois de mai. Devenir ou non une organisation ? Cette question a alors agité le mouvement, rapidement gagné par ce dilemme : devait-il entrer dans le jeu représentatif (électoral notamment) pour durer et peser, avoir un « débouché », au risque de la normalisation ? Ou devait-il maintenir cette forme non organisée et sans principe représentatif qui avait jusque-là garanti son efficacité ? Les rares listes « gilets jaunes » présentées aux élections, loin de faire l’unanimité dans leur démarche électorale, n’ont pas fait de scores significatifs.

Diverses « structures » de coordination nationale des gilets jaunes, avec des approches parfois fort différentes, se sont constituées autour de trois légitimités principales : celle des réseaux sociaux, celle des plateaux télé et celle du terrain. Mais le mouvement n’a pas trouvé de principes stables d’organisation et s’est peu à peu désagrégé et démobilisé. S’il n’a pas connu de débouchés politiques électoraux, il est cependant indéniable qu’il a laissé des traces profondes dans la société française.

— Rémi LEFEBVRE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur de science politique à l'université de Lille

Classification

Médias

Gilets jaunes manifestant sur les Champs-Élysées, 2018 - crédits : William Lounsbury/ Shutterstock.com

Gilets jaunes manifestant sur les Champs-Élysées, 2018

Rencontre entre des « gilets jaunes » et le ministre de la Transition écologique et solidaire - crédits : Jacques Demarthon/ AFP

Rencontre entre des « gilets jaunes » et le ministre de la Transition écologique et solidaire

Cahiers de doléances des gilets jaunes - crédits : Valery Hache/ AFP

Cahiers de doléances des gilets jaunes

Autres références

  • DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE

    • Écrit par
    • 6 798 mots
    • 7 médias
    ...projets. Ils sont d’autant plus libres de procéder ainsi que les mobilisations en faveur de la participation sont assez limitées – à l’exception notable du mouvement des « gilets jaunes » (2018-2019) qui, porteur d’une forte demande de démocratie directe, s’approprie plus d’une fois l’expression « démocratie...
  • FRANCE - L'année politique 2019

    • Écrit par
    • 4 691 mots
    • 5 médias
    Le mouvement de protestation des « gilets jaunes », né à la fin de 2018, connaît des prolongations en 2019. Il déclenche de nombreux débats tant au sujet de la politique de maintien de l’ordre (usage des grenades de désencerclement, des lanceurs de balles de défense…), que concernant la complaisance de...
  • FRANCE - L'année politique 2018

    • Écrit par
    • 5 512 mots
    • 4 médias
    Né spontanément sur les réseaux sociaux d’une protestation contre la hausse des taxes sur le diesel, le mouvement des « gilets jaunes » doit son nom au gilet de sécurité qui doit équiper tous les véhicules automobiles français. Sentiment d’injustice fiscale devant une mesure qui taxe les « petits »,...
  • LIBERTÉ DE MANIFESTATION

    • Écrit par
    • 2 185 mots
    • 1 média
    ...c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. » Les virulentes manifestations des années 2018-2023 –  manifestations des gilets jaunes, puis d’opposition à la réforme des retraites du gouvernement d’Élisabeth Borne – ont donné lieu à une répression violente...
  • Afficher les 9 références