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CARON GILLES (1939-1970)

Gilles Caron est un photoreporter français disparu au Cambodge à l'âge de trente ans. Durant sa très courte carrière, il a marqué les esprits par son courage et son sens de l'événement. Sa façon d'être au cœur de l'action rend ses images très dynamiques. Jamais distant, il s'implique physiquement aux côtés des étudiants de mai 1968 ou des soldats américains au Vietnam. Il incarne la quintessence d'un photographe qui témoigne avec sens du devoir des joies, des tourments et des horreurs de ce monde. Son style est incisif et sans fioriture. Brûlant sa vie avec un appétit féroce, doté d'un don d'ubiquité qui surprendra la profession, on le retrouve un jour face à André Malraux devant la tombe du Soldat inconnu, un autre jour dans le Sinaï avec des soldats israéliens ou encore au Biafra lorsque sévit une terrible famine.

Gilles Caron naît en 1939 à Neuilly-sur-Seine. À la suite de la séparation de ses parents en 1946, il est envoyé en pension à Argentière, en Haute-Savoie, pendant sept ans. Après la mort de son père, il suit, en 1958, une formation de journaliste à Paris. Il effectue son service militaire de vingt-huit mois – dont vingt-deux en Algérie – dans un régiment parachutiste d'infanterie de marine aéroporté et passe deux mois aux arrêts à la suite de son refus de combattre après le putsch des généraux français.

Après avoir tenté d'ouvrir une galerie de peinture, il fait un stage, en 1964, chez un photographe de publicité et de mode. L'année suivante, il entre à l'Agence parisienne d'informations sociales et couvre des tournages de films, des réunion du Conseil des ministres, ainsi que des manifestions. Le 21 février 1966, il obtient la une de France-Soir avec une photographie montrant Marcel Leroy-Finville – écroué dans le cadre de l'affaire Ben Barka – faisant sa promenade à la prison de la Santé. En 1967, il rejoint l'équipe fondatrice de l'agence Gamma, notamment Raymond Depardon, rencontré deux ans auparavant. Paris Match publie son reportage sur la guerre de Six Jours au cours de laquelle l'armée israélienne occupe le Sinaï égyptien et atteint le canal de Suez. La réputation de Gamma est lancée. La même année, Caron est au Vietnam, notamment à Dak To où se déroulent les affrontements parmi les plus durs du conflit.

Après avoir réalisé deux reportages sur les tournages des films Week-End, de Jean-Luc Godard, et Baisers volés, de François Truffaut, il couvre les manifestations de mai 1968. Le 6 mai, il réalise le portrait devenu mythique de Daniel Cohn-Bendit défiant un garde de la compagnie républicaine de sécurité devant la Sorbonne. En quelques traits, il brosse le portrait d'une jeunesse qui exprime sa force de vie et sa révolte face à une société sclérosée. La deuxième « icône » de mai 1968, il la réalise dans la nuit même en saisissant un C.R.S. sur le point de frapper un étudiant en train de chuter. Violence disproportionnée et contraste des générations, cette photographie stigmatisera la répression conduite par le gouvernement du général de Gaulle.

Toujours en 1968, Gilles Caron se rend par trois fois au Biafra (Nigeria), en avril au côté de Don MacCullin, rival professionnel et ami, en juin avec Raymond Depardon, puis à nouveau en novembre. Largement médiatisées, la guerre du Biafra, la famine et les épidémies provoqueront près de deux millions de morts et seront à l'origine de la création de Médecins sans frontières.

L'année suivante, le photographe couvre les manifestations catholiques à Londonderry et Belfast en Irlande du Nord, puis l'anniversaire du Printemps de Prague maté par les chars soviétiques. En 1970, il est fait prisonnier un mois par les forces gouvernementales dans le Tibesti tchadien aux côtés du journaliste franco-britannique Robert Pledge, qui fondera l'agence Contact Press[...]

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Écrit par

  • : graphiste, photographe, enseignant en histoire de la photographie, diplômé de l'École nationale de la photographie (Arles)

Classification

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