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MÉNAGE GILLES (1613-1692)

L'un de ces abbés qui occupent tant de place dans l'histoire de la littérature française au xviie siècle. Un abbé, mais non un prêtre : il n'ira pas au-delà du sous-diaconat qu'il reçoit en 1648 ; ses confortables revenus ecclésiastiques lui permettent dès lors de donner tout son temps aux études et aussi, plus tard, à la vie de salon. C'est un abbé fort savant, mais qui fait sonner trop haut sa science pour ne pas s'attirer la moquerie (d'autant plus que son excellente mémoire l'invite trop facilement au plagiat), et Molière en fera (sans grande méchanceté) le Vadius des Femmes savantes. C'est aussi, à en juger par le nombre des femmes à qui il adresse des vers, un abbé fort galant, souvent réduit, selon les témoignages du temps, au rôle d'amoureux transi. Il aura de belles élèves, dont la future Mme de Sévigné et la future Mme de La Fayette. Entré dans la maison du cardinal de Retz en 1643, il en sort avec éclat en 1652 et, se rapprochant de la Cour, il s'attache à des banquiers, Servien, puis Fouquet. Très tôt renommé pour son érudition et redouté pour son esprit, il est devenu un personnage important. La Requête des dictionnaires (ou Le Parnasse alarmé), satire en vers burlesques qui, imprimée en 1649, court sous le manteau depuis plus de dix ans, lui a fermé pour toujours les portes de l'Académie française ; mais le monde des gens de lettres se rend aux soirées qu'il donne régulièrement le mercredi — d'où leur nom de mercuriales. Ménage se flatte d'être poète, mais son abondante production, réunie dans les Miscellanea qu'il publie en 1652 et auxquels il joint toutes les dédicaces et pièces de vers qui lui ont été adressées, puis dans les Poemata, sans cesse augmentés et réimprimés, ne vaut pratiquement que par l'habileté de l'auteur à manier quatre langues, le grec, le latin, l'italien et le français. Son vrai mérite est ailleurs. En 1650 paraissent les Origines de la langue françoise ; Ménage les retravaillera toute sa vie, et elles seront rééditées en 1694, après sa mort, sous le titre de Dictionnaire étymologique. Il y montre, à défaut d'une méthode sûre, une curiosité et une perspicacité jusque-là inconnues, et surtout une possession des divers états du latin, des langues romanes, et de plusieurs autres langues qui en font l'un des promoteurs de la philologie comparée ; l'ouvrage semble définitif aux contemporains. En 1672, Ménage publie ses Observations sur la langue françoise : il n'y néglige aucun des aspects de la grammaire, et ses doubles qualités d'érudit et d'homme du monde lui permettent d'y manifester à la fois une connaissance précise du passé de la langue et une connaissance sûre de l'usage présent — mais l'empêchent souvent de choisir entre ces deux partis et, partant, de peser d'un poids réel sur l'histoire du français. Les querelles que provoque ou que s'attire cet homme en vue, par son tempérament de polémiste et ses travers, font beaucoup de bruit : la dispute de Vadius (en qui Ménage aura l'esprit de ne pas se reconnaître) et de Trissotin n'est qu'un écho des innombrables démêlés qui l'opposent à ses confrères. La première œuvre qu'il a publiée est une Réponse au discours sur l'Heautontimorumenos (1640) dirigée contre l'abbé d'Aubignac ; la dernière œuvre qu'il publiera sera une réponse à une attaque contre sa poésie, l'Anti-Baillet (1692). Chacun de ses ouvrages est le signal d'une nouvelle polémique : la Requête, avec toute l'Académie ; les Observations, avec le père Bouhours. De 1655 à 1660, l'Avis à Ménage sur une églogue intitulée Christine de Gilles Boileau, puis un pamphlet bien plus virulent de l'abbé Cotin, La Ménagerie, précipitent[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

Classification

Autres références

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