LOLLOBRIGIDA GINA (1927-2023)
Dans son film de 1958, Portrait of Gina, Orson Welles décrivait l’actrice italienne Gina Lollobrigida comme une « fille de la campagne ». En effet, celle-ci a vécu jusqu’à dix-sept ans dans la petite ville de Subiaco, près de Rome, où elle est née le 4 juillet 1927. Sa famille, prospère mais ruinée par les bombardements alliés, a dû s’installer à Rome. La jeune fille s’est alors inscrite à l’Académie des Beaux-Arts pour étudier la peinture, le chant et surtout la sculpture, sa passion la plus constante, qu’elle pratiquait encore à plus de quatre-vingt-dix ans, se plaignant de manquer de temps pour aller au bout de ses ambitions créatrices.
Après de petits rôles au cinéma en 1946, Gina – Luigia de son vrai prénom – Lollobrigida est troisième au concours 1947 de Miss Italie. Lucia Bosè est alors la lauréate de ce combat de futures stars, où concouraient également Silvana Mangano et Gianna Maria Canale. Cette compétition marquait le début d’une vie placée sous le signe de la beauté physique dont l’actrice, dans son grand âge, affirmait qu’elle rendait difficile la reconnaissance par le monde de qualités différentes, morales ou artistiques. En 1947, elle tient le premier « rôle » de Nelfondodelcuore,qui inaugure le genre du fotoromanzo. De fait, le roman-photo a connu un succès prodigieux dans l’Italie de l’après-guerre – forme de culture populaire dont il est significatif qu’elle marque ses débuts dans le monde du spectacle. Quelques années de rôles obscurs aboutissent à des films plus importants avec Luigi Zampa ou Carlo Lizzani, et surtout Mario Monicelli et Steno pour Dans Les Coulisses (1950), face à Aldo Fabrizi.
Après avoir traversé les Alpes, Gina Lollobrigida parvient à la célébrité : avec Gérard Philipe, c’est le brillant Fanfan la Tulipe (1952) de Christian-Jaque, primé à Berlin et à Cannes, qui lui vaut un accueil enthousiaste de la part des spectateurs français, puis, la même année, toujours avec Gérard Philipe, l’élégant Les Belles de nuit de René Clair. En 1953, dans Plus fort que le diable, John Huston la met en scène au côté d’un Humphrey Bogart qui semble plus préoccupé de boire avec son ami et de profiter de la côte amalfitaine que de réaliser un film cohérent. Toujours en 1953, La Marchande d’amour,adapté d’une nouvelle de Moravia,est à la fois un des plus beaux films de Mario Soldati et un des rôles les plus brillants de la comédienne.
Deux immenses succès mis en scène par Luigi Comencini, Pain, amour et fantaisie (1953) et Pain, amour et jalousie (1954) confirment qu’elle tient son rang de grande actrice devant Vittorio De Sica. Dans le troisième film de la série, Pain, amour, ainsi soit-il (1955), de Dino Risi, Sophia Loren prend le relais de Gina Lollobrigida, donnant naissance à la légende soigneusement entretenue de la rivalité entre les deux maggioratedu cinéma italien. Précisons que ce terme de maggiorataétait passé dans le langage commun à la suite d’une plaidoirie de l’avocat (Vittorio De Sica) dansAltritempi d’Alessandro Blasetti (1952). De l’accusée, interprétée par Lollobrigida, il disait qu’elle était plus « majorée physiquement » que « minorée psychiquement ». Aux États-Unis, à l’appel d’Howard Hugues, elle tourne plusieurs films dont on peut retenir Trapèze, de Carol Reed (1955). Il y eut aussi l’immense succès populaire de Notre-Dame de Paris, de Jean Delannoy (1956), puis de Salomon et la reine de Saba, de King Vidor (1959).
Si Gina Lollobrigida tourne moins de films dans les années suivantes, on peut néanmoins retenir Ce merveilleux automne de Mauro Bolognini (1969) et surtout le rôle de la Fée bleue dans les splendides Aventures de Pinocchio de Luigi Comencini (1972). S’éloignant des écrans, l’actrice se consacre par la suite à la sculpture et à la photographie. Elle s’engage aussi en politique, au centre gauche,[...]
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
Classification
Média