PANE GINA (1939-1990)
Née en France, à Biarritz, Gina Pane y a vécu, y a enseigné dans des écoles d'art. Elle y a montré la plupart de ses actions artistiques et de ses Partitions. En même temps, elle a constamment souligné (en particulier dans certains des titres qu'elle a donnés à ses œuvres) ses rapports privilégiés avec l'Italie. Elle évoque un grand-père napolitain, une grand-mère piémontaise, un père né à Turin, une mère autrichienne. Mais, en un moment de l'histoire de l'art où beaucoup d'artistes soulignent leur « identité culturelle », elle revendique surtout un internationalisme qui n'est guère à la mode : « J'ai des relations avec des formes et des problèmes qui appartiennent au monde entier [...]. Ma culture est un croisement ; elle est métisse. » En riant, elle avoue être une artiste qui lit et elle aime citer « pêle-mêle » les auteurs qui, parfois, l'aident dans ses recherches artistiques : Rimbaud, Baudelaire, Georges Bataille, Ezra Pound, James Joyce, Merleau-Ponty, Cioran, « et puis Socrate, oui, Socrate ». Une de ses œuvres s'intitule : L'Homme à la branche verte qui n'avait pas lu « Les Fleurs du mal » (partition pour une blessure), 1982...
La plupart de ceux qui commentent les travaux de Gina Pane soulignent d'abord son rôle à l'intérieur de ce qui a été appelé le body art. De 1971 à 1980, elle a créé un certain nombre d'événements. Elle a mis en danger son corps. Elle lui a porté atteinte. Elle l'a blessé avec des lames de rasoir, avec des épines de rose. En 1971, Escalade non anesthésiée l'amène à gravir, mains et pieds nus, une échelle aux marches coupantes.
Avaler 600 grammes de viande hâchée, crue, avariée ; éteindre des feux avec ses mains et ses pieds nus ; se placer, dans un équilibre instable à l'extérieur d'une fenêtre du deuxième étage d'une maison : ces actions extrêmes, soigneusement préparées par des dessins de l'artiste, appartiennent à ce que l'on pourrait nommer (en se rappelant les textes d'Antonin Artaud sur le théâtre) un art de la cruauté. Le corps est ici interrogé, mis à la question... Lorsqu'il regarde les actions elles-mêmes, les dessins qui les précèdent, les photographies qui en naissent, le spectateur est amené à réfléchir sur la blessure, sur le dégoût ; sur la douleur ; sur les limites qu'il faut (ou qu'il ne faut pas) imposer à l'acte artistique ; sur le sang (qui est aussi la couleur rouge) ; sur la cicatrice (qui est aussi un dessin) ; sur les rapports du corps avec les nourritures, avec le feu, avec l'eau, avec le verre ou l'acier. À juste titre, les commentateurs ont donc souligné la violence de ces actions, le tragique du corps marqué et mis en danger. Ils n'ont pas assez remarqué les moments de calme, de douceur, de jeu qui interviennent à l'intérieur de ces actions intenses. Entre deux blessures qu'elle s'inflige, Gina Pane redevient l'enfant qui joue avec un tout petit objet : une plume, une petite balle. Et ces moments tendres ne sont pas les moments faibles de l'action, mais au contraire les instants où l'énergie s'accumule pour permettre les gestes intenses qui leur succèdent.
Gina Pane a nommé une de ses actions Azione sentimentale (1973). Elle n'est pas de ceux qui méprisent les sentiments, les charmes de l'amour, la pitié, la tendresse, les larmes. Elle se méfie du « regard froid ». Violentes et tendres, mêlant cruauté, douceur, angoisse et humour, toutes ses actions peuvent être nommées « actions sentimentales ».
Vers 1980, Gina Pane cesse ses actions et son activité artistique aboutit à des Partitions.
Difficiles à décrire, ce sont des ensembles constitués d'éléments hétérogènes et destinés à faire imaginer au spectateur plusieurs récits possibles. Ce sont[...]
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Écrit par
- Gilbert LASCAULT : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain
Classification
Autres références
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BODY ART
- Écrit par Anne TRONCHE
- 4 586 mots
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L'image emblématique des actions deGina Pane est l'incision à la lame de rasoir. Précisons que la blessure fut pour elle un outil de langage et non une mutilation. Durant le temps de l'action où elle apparaît toujours vêtue de blanc, elle s'employait à faire passer au stade conscient l'aliénation du... -
HAPPENING
- Écrit par François PLUCHART
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...Ce qui est intéressant, c'est de modifier une situation. » L'art corporel, qui a aussitôt recruté de nombreux adeptes, a d'abord été le fait de cinq artistes : deux Américains, Vito Acconci et Dennis Oppenheim ; une Italienne, Gina Pane ; un Français, Michel Journiac, et un Suisse, Urs Lüthi. -
PERFORMANCE, art
- Écrit par Daniel CHARLES
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...malgré les apparences, auront été, avec tout ce que leur ascèse offrait de pathétique mais aussi d'excès dans la provocation, les performances d'une Gina Pane. Il est difficile de ne pas voir, comme Jean Clair, un « masochisme paroxystique » dans les Projets de silence de cette artiste. Il faudra,...