Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BARTALI GINO (1914-2000)

Né le 18 juillet 1914, ancien apprenti mécanicien devenu cycliste professionnel, Gino Bartali a remporté deux Tours de France (1938, 1948), trois Tours d'Italie (1936, 1937, 1946), quatre Milan-San Remo (1939, 1940, 1947, 1950) et trois Tours de Lombardie (1936, 1939, 1940). Catholique profondément croyant, surnommé « Gino le Pieux », Bartali appartient aux temps épiques du cyclisme. Jeune prodige des années 1930 dans une Italie nationaliste et fasciste, vieux et sage champion des années d'après guerre confronté à Fausto Coppi, son génial rival, il arrêtera la compétition cycliste en 1954, à l'âge de quarante ans. Sa carrière sportive avait été interrompue par la Seconde Guerre mondiale : refusant de devenir ambassadeur du fascisme, il avait choisi de se retirer dans la cité vaticane dès 1941.

Revoyons quelques hauts faits de cette carrière, que la presse et les écrivains de l'époque transformèrent en légende dorée. Lors du Tour de France 1938, le jeune maillot jaune Gino Bartali fascine public et journalistes. « Ce qui frappe le plus en Bartali, c'est son air étrangement lointain. Tout dans ce pieux rêveur, dans son visage plein de gravité, dans son allure un peu nonchalante, dans le son de sa voix grave, indique une nature douce et mélancolique », écrit Raymond Huttier dans Le Miroir des sports. À quoi Gaston Bénac ajoute : « Devenu mystique après la mort de son jeune frère tué en course, Bartali aime l'effort répété. Il agit par démarrages successifs, puis il souffle et repart. Il bondit grâce à de formidables coups de reins. »

Vient le Tour de France 1948. Cette fois, la guerre est passée, l'âge est venu. Le grand Bartali, en maître accompli, impose sa loi et gagne sept étapes, dont les dantesques étapes alpestres : Cannes-Briançon et Briançon-Aix-les-Bains. « D'un enfer de neige, d'eau, de glace, Bartali surgit radieusement, archange encroûté de boue, portant sous sa tunique détrempée l'âme précieuse du champion d'exception », écrit Jacques Goddet dans L'Équipe.

Dans les années d'après guerre, en lutte contre Fausto Coppi, son cadet de cinq ans, Gino Bartali va se transformer en romantique héros sportif. Le duel Coppi-Bartali demeure un haut fait de la légende cycliste. Il marque aussi le conflit de deux tempéraments et de deux styles : le jeune Fausto, élégant, surdoué, face au vieux Gino, pieux et besogneux. Véritable rivalité éthique entre deux fils de paysans qui ont connu la misère. Dans Sport Digest (1953), Curzio Malaparte va donner à cet affrontement sa dimension métaphysique : « Bartali est un homme dans le sens ancien, classique, métaphysique aussi, du mot. C'est un ascète qui méprise et oublie à tout instant son corps, un mystique qui ne croit qu'à son esprit et au Saint-Esprit. [...] Fausto Coppi, au contraire, est un mécanicien. Il ne croit qu'au moteur qu'on lui a confié, c'est-à-dire à son corps. [...] Du départ à l'arrivée, du commencement à la fin de la course, il ne cesse un seul instant de surveiller ce moteur précis, délicat et formidable qu'est son corps à lui. »

Fausto Coppi et Gino Bartali, 1949 - crédits : AFP

Fausto Coppi et Gino Bartali, 1949

En 1949, dans le Tour d'Italie et le Tour de France, le destin bascule. Le vieux Gino Bartali (trente-cinq ans) se défend magnifiquement, mais Fausto Coppi est le plus fort. Cette fois, c'est l'écrivain Dino Buzzati, journaliste au Corriere della sera, qui évoque le passage du destin : « Il pédalait, il pédalait comme s'il s'était senti talonné par une terrible bête, comme s'il avait su qu'en se laissant rejoindre tout espoir eût été perdu. Ce n'était que le temps, le temps irréparable, qui lui courait après. Et c'était un grand spectacle que cet homme seul, dans cette gorge sauvage, en train de lutter désespérément contre les ans. [...] C'est un vaincu, Bartali, aujourd'hui. Pour la première fois. Voilà qui nous remplit[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Fausto Coppi et Gino Bartali, 1949 - crédits : AFP

Fausto Coppi et Gino Bartali, 1949

Autres références

  • COPPI FAUSTO (1919-1960)

    • Écrit par
    • 1 896 mots
    • 2 médias
    La rivalité entre Fausto Coppi etGino Bartali est avant tout sportive. Elle naît donc en 1940, quand Coppi, engagé comme gregario de Bartali, remporte le Giro. Elle s'exacerbe après la guerre. Au rang des épisodes fameux de ce duel, on peut citer le Giro 1946, que Bartali remporte avec 47 secondes...
  • GUERRE FROIDE (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 554 mots
    ...1974, tout autant que dans le cyclisme, avec le duel entre Fausto Coppi et Gino Bartali. Dans l’Italie de la guerre froide partagée entre l'Église et le Parti communiste, les deux coureurs, contre leur gré, étaient soutenus chacun par un camp, la droite pourBartali, la gauche pour Coppi.
  • SPORT (Disciplines) - Le cyclisme

    • Écrit par
    • 10 242 mots
    • 16 médias
    Les champions deviennent des idoles. Chez les Italiens, la rivalité entre Gino Bartali et Fausto Coppi bat son plein. Il faudra, en 1949, toute l'autorité d'Alfredo Binda pour que les deux campionissimi acceptent de collaborer ; le succès de Coppi couronne les efforts du patron de la « Squadra...