PONTI GIÒ (1891-1979)
L'activité d'architecte de Giò Ponti est liée au caractère de capitale industrielle de Milan, la grande métropole du nord de l'Italie, dont il est originaire. Sa carrière englobe les deux périodes cruciales de l'histoire de l'Italie contemporaine : la dictature de Mussolini et le renouveau économique de l'après-guerre. Ponti se signale d'abord par sa participation au groupe Novecento en 1922. Lié au fascisme naissant, le groupe prône un retour aux valeurs traditionnelles italiennes, héritées de la Renaissance classique, en même temps qu'il se proclame révolutionnaire. L'ambiguïté de ce programme, qui reflète le caractère complexe de l'idéologie fasciste de la première période, permet le développement d'un courant rationaliste en architecture. Le mouvement rationaliste italien prend corps avec l'appui du régime, et trouve son apogée lors de la Ve triennale de Milan en 1933 ; Giò Ponti sera l'un des artisans de ce rassemblement important qui trouvera un écho dans toute l'avant-garde européenne en architecture. En 1928, Giò Ponti fonde une revue intitulée Domus, dont le centre d'intérêt ne se limite pas à l'architecture et englobe la production industrielle, les objets quotidiens, le mobilier, etc. Ces préoccupations renvoient au thème de la collaboration entre les industriels et les artistes, inauguré par William Morris et repris par Gropius au Bauhaus. Giò Ponti participe donc à l'élaboration et à la diffusion de la notion de design et il est l'un des premiers à avoir compris l'importance de la presse spécialisée dans ce domaine. La politique de Domus, particulièrement après la Seconde Guerre mondiale sera tout entière dévouée à la diffusion du design italien, reflet de la nécessité pour l'industrie renaissante de trouver de nouveaux débouchés, en misant sur la qualité formelle et l'aspect à la fois attrayant et rationnel des objets.
Cette mise au service de l'industrie des capacités créatives de l'architecte, destinée en dernier ressort à procurer aux grandes sociétés une image de marque flatteuse, dicte la carrière de Giò Ponti. Avec la même habile sophistication à la fois sèche et désinvolte, il conçoit bâtiments, meubles, vaisselle, machines. Sur le plan purement architectural, il a réalisé en 1936 à Milan pour la firme Montecatini un immeuble d'inspiration très classique, où les placages de marbre s'allient aux détails savamment calculés. Un même souci du détail et du décor se retrouve dans la cathédrale de Tarente (1971) et dans le Museum of Modern Art de Denver (1972).
Giò Ponti serait resté une sorte d'élégant « couturier », si en 1958, en association avec le grand ingénieur Pier Luigi Nervi, il n'avait fait la preuve, dans la construction de la torre Pirelli à Milan, de sa capacité à concevoir un objet qui est indéniablement une des réalisations marquantes de l'architecture européenne d'après-guerre. L'immeuble Pirelli, dont l'intention est de rivaliser avec ses semblables d'outre-Atlantique (Lever House, Seagram Building, par exemple) dans son aptitude à donner à une firme industrielle un monument-image (un « slogan » déclare Ponti), n'est pas pour autant un pâle démarquage des modèles américains. Structurellement, il repose sur le principe de deux éperons de béton allant en s'amenuisant vers le sommet, entre lesquels sont lancés les planchers. On a souvent noté que la tour Pirelli est un objet fermé, limité par deux supports latéraux. La forme fuselée du plan donne, en outre, à l'ensemble un aspect inhabituel, l'ampleur de la façade contrastant fortement avec l'acuité des côtés. Le caractère clos de la tour Pirelli a engendré une critique de l'architecture fondée uniquement sur la répétition d'une trame, sur un mode élégant et quelque[...]
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Écrit par
- Jean-Étienne GRISLAIN : historien, enseignant à l'unité pédagogique d'architecture de Lille
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