ROSSINI GIOACCHINO (1792-1868)
La maturité
Elisabetta, regina d'Inghilterra (1815) est un triomphe. Rossini complète sa réforme de l'opera seria. Fêté, admiré, aimé, Rossini se rend à Rome où l'attend la composition de deux ouvrages : l'un sérieux, l'autre bouffe. Torvaldo e Dorliska (1815) y fit une carrière éphémère, et, assigné par un contrat draconien qui en dit long sur la condition du compositeur à cette époque, Rossini entreprend d'écrire Le Barbier de Séville. Treize jours lui suffisent pour qu'en un véritable accès de fièvre et de délire – en empruntant néanmoins quelques pages à des ouvrages antérieurs, notamment l'ouverture à Elisabetta, regina d'Inghilterra – naisse ce chef-d'œuvre (1816). Inspiré par Beaumarchais, Rossini le dépasse. Au faîte de son art, il maîtrise, épure, discipline son inspiration mélodique. Son chant orné se justifie : les défauts disparaissent, le style devient original. Coup sur coup, il produit quatre de ses œuvres maîtresses dans des genres différents : la comédie du Barbier, la tragédie d'Otello (1816), le conte de La Cenerentola (1817) et le mélodrame de La Gazza ladra (1817).
Quand paraît Armida (1817), œuvre à grand spectacle, célèbre par son trio pour voix de ténor, Rossini semble vouloir rajeunir son talent. Mais Mosè in Egitto (1818) subit l'influence allemande. En réaction, avec Adelaide di Borgogna, Adina o il Califfo di Bagdad, Ricciardo e Zoraide (1818), le compositeur développe les ornements du chant.
En 1820, il part pour Vienne soucieux de rencontrer Beethoven, emmenant la cantatrice Isabelle Colbrand qu'il venait d'épouser. Déçu par la situation de l'auteur de Fidelio, il retourne à Venise où il allait couronner sa carrière italienne par Semiramide (1823). Les Vénitiens, attardés, ne comprirent pas cet ouvrage étonnant, à notre goût le plus accompli de tout le théâtre rossinien, et le musicien prit définitivement la résolution de ne plus écrire une seule note pour ses compatriotes. Fidèle à cette résolution qu'il suivit de façon inexorable, il décida de quitter l'Italie.
Riche, marié, instable, Rossini, épicurien de nature, avait le désir de voyager. Le 9 novembre 1823, il entre à Paris, accueilli dans l'enthousiasme. Mais, si les anciens le surnommaient « il signor Vacarmini » ou « Monsieur Crescendo », les jeunes affichaient très vite leur admiration. Et, après un séjour infructueux à Londres, Rossini revient à Paris prendre la direction du Théâtre-Italien. Après avoir fait jouer quelques-uns de ses ouvrages, il compose Il Viaggio a Reims, opéra de circonstance écrit pour les fêtes du sacre de Charles X, qui le nomme, en 1825, premier compositeur du roi et inspecteur général du chant en France. Cette nomination s'accompagne de la commande de cinq opéras en dix ans dont, seul, Guillaume Tell verra le jour, la révolution de 1830 mettant fin à ses fonctions. Il détruit ainsi les esquisses d'un Faust et abandonne un projet consacré à Jeanne d'Arc. De même, il renonce vite à la direction du Théâtre-Italien devant la jalousie des autres compositeurs et les caprices de la diva en vogue, la Pasta. Il y avait été cependant d'une grande efficacité, imposant un style de chant opposé au urlo francese, faisant débuter la Malibran et tirant Giulia Grisi des petits rôles où elle s'ennuyait.
Depuis longtemps, Rossini souhaitait modifier sa manière : abandonner ce que le chant orné a de technique, d'artificiel et de froid au profit de la déclamation et du chant soutenu, c'est-à-dire de la vérité et de l'intensité. Pour cela, il lui fallait aussi réformer l'orchestre et donner plus d'importance aux masses chorales. Paris, après Gluck, l'autorisait. Naquirent ainsi – tous trois sur un livret en langue française – Le Siège de Corinthe (1826), salué[...]
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Écrit par
- Jean-Louis CAUSSOU : directeur de l'Opéra de Nantes
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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