CAPRONI GIORGIO (1912-1990)
Giorgio Caproni naît le 7 janvier 1912 à Livourne (Toscane) et meurt le 22 janvier 1990 à Rome. C'est Gênes, où il vécut de 1922 à 1938, qui demeure la métropole idéale du poète : la ville est en effet le centre d'une poésie ligure ayant pour caractéristique une recherche du sec, de l'âpre, ce qui n'exclut pas un lyrisme discret, intérieur. En dépit d'études inachevées mais qui l'ont aussi initié à la pratique du violon — la passion pour la musique est essentielle dans son existence —, Caproni s'intéresse d'emblée à la littérature. Un événement important fut, lors de son service militaire à San Remo en 1933, la rencontre de Giorgio Bassani, de Fidia Gambetti et de Giovan Battista Vicari qui lui ouvriront les portes de journaux locaux dans lesquels il publiera ses premiers poèmes. Son premier recueil, Come un'allegoria (Comme une allégorie, 1936), prend ses distances par rapport au mouvement hermétique de Florence. Sur ces premières poésies plane l'ombre d'Olga Franzoni, sa fiancée morte de septicémie. Deux ans plus tard paraît Ballo a Fontanigorda ed altre poesie (Bal à Fontanigorda et autres poèmes, 1938), qui suit le sillon tracé par le précédent recueil. Un nom apparaît qui ne quittera plus le Canzoniere, celui de Rina, sa femme, ici baptisée Rosa. C'est avec Finzioni (Fictions, 1941) que se clôt ce que Caproni considérera plus tard comme son premier livre, celui de sa jeunesse, écrit entre vingt et trente ans. En 1939, il est rappelé sous les drapeaux et combat contre la France dans les Alpes-Maritimes : une prose, Giorni aperti (Jours ouverts, 1942), évoque ce drame.
La deuxième période, le deuxième livre, s'ouvre avec Cronistoria (Historique, 1943), et la fête que semblait annoncer le premier Caproni se mue en douleur et tristesse que souligne une écriture plus ciselée et notablement plus proche de celle de l'hermétisme. Les vers écrits entre 1943 et 1955 formeront le troisième livre et conflueront dans le recueil intitulé Il Passaggio d'Enea (Le Passage d'Énée, 1943-1955). Puis c'est Il Seme del piangere (La Semence des pleurs, 1959), qui opère un tournant radical dans l'œuvre de Caproni par un retour aux rythmes populaires, à la ballade héritée des stilnovistes, et par l'emploi d'une ironie qui balaie tout le champ de l'humour au sarcasme. Caproni y évoque surtout Anna Picchi, sa mère morte en 1950, et sa Livourne natale. Les derniers recueils, à partir de 1960, vont concentrer de plus en plus les recherches du poète, en des vers émaillés de silences, sur les problèmes de l'Être de Dieu, du Néant. Congedo del viaggiatore cerimonioso e altre prosopopee (Le Congé du voyageur cérémonieux et autres prosopopées, 1965) va nous familiariser avec la présence de la mort et le désespoir calme du narrateur. Puis, Il Muro della terra (Le Mur de la terre, 1975) affirme l'aporie fondamentale de Caproni : comment cet être raisonnable qu'est l'homme peut-il croire en un dieu clé de l'irrationnel ? Sa poésie, jusqu'à la fin, ne sera plus que « chasse spirituelle ». D'où le titre du recueil suivant, Il Franco Cacciatore (Le Franc Chasseur, 1982) qui, sur la trame du Freischütz de Weber, anticipe la gigantesque battue du dernier livre, Il Conte di Kevenhüller (Le Comte de Kevenhüller, 1986). Poursuivre l'absence, le manque, c'est ce à quoi se livre une dernière fois Giorgio Caproni dans un recueil inachevé : Res amissa.
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Écrit par
- Philippe RENARD : professeur, directeur du département d'italien à l'université de Strasbourg-II
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